Le Droit des affaires en mouvement

Nouvelle loi sur les entreprises publiques

De nouvelles lois pour régir les entreprises publiques et les établissements publics au Cameroun

Pr KALIEU ELONGO Yvette,  Université de Dschang / Cameroun

Après 18 ans d’application, la loi n°99/016 du 22 décembre 1999  portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic au Cameroun fait désormais partie du passé. En effet, depuis le 12 juillet 2017, deux nouvelles lois régissent les entreprises et établissements publics au Cameroun. Il s’agit de la loi n°2017/010 portant statut général des établissements publics et de la loi 2017/11 portant statut général des entreprises publiques.

Ces lois interviennent dans un contexte particulier marqué par de nombreuses interrogations sur la performance et la rentabilité des entreprises et établissements  relevant du portefeuille de l’Etat  et  sur la gouvernance de ces entreprises et établissements au regard notamment des règles prévues par le droit OHADA.

Les deux nouvelles lois apportent des réformes décisives sur certains aspects du régime de ces sociétés tout en conservant certains acquis de l’ancienne loi. Il faut distinguer comme le fait désormais la loi le cas des établissements publics de celui des entreprises publiques.

 

  • S’agissant des établissements publics

 

Il faut d’emblée noter que la loi ne parle plus d’établissements publics administratifs, mais d’établissements publics tout simplement. Ils sont désormais définis comme des personnes morales de droit public, dotées de l’autonomie financière et de la personnalité juridique chargés de la gestion d’un service public ou de la réalisation d’une mission spéciale d’intérêt général pour le compte de l’Etat ou d’une Collectivité Territoriale Décentralisée. Ils se distinguent – des entreprises publiques – par leur caractère non commercial et non industriel.

Il en existe plusieurs catégories parmi lesquelles :

  • les établissements publics à caractère administratif
  • les établissements publics à caractère social
  • les établissements publics à caractère hospitalier
  • les établissements publics à caractère culturel, etc.

Les organes de direction sont le conseil d’administration composé de 5 à 12 membres et la direction générale ou tout organe tenant lieu de l’un ou de l’autre.

Les membres et le Président du Conseil d’administration ainsi que le Directeur Général et éventuellement le Directeur Général adjoint des établissements publics appartenant à l’Etat son nommés par le Président de la République pour un  mandat de 3 ans renouvelable 1 fois ou 2 fois au plus selon les cas. L’exercice de ces différentes fonctions est assorti d’incompatibilités et de restrictions pour prévenir par exemple les conflits d’intérêts.

En cas de crise grave, un administrateur provisoire peut être désigné à la tête de ces établissements.

 

  • Pour ce qui est des entreprises publiques

 

Alors que la loi de 1999 ne définissait pas l’entreprise publique, la loi du 12 juillet 2017 définit désormais l’entreprise publique comme une « unité économique dotée d’une autonomie juridique et financière exerçant une activité industrielle et commerciale, et dont le capital social est détenu entièrement ou majoritairement par une personne morale de droit public ». Les deux catégories d’entreprises publiques à savoir  la société à capital public et la société d’économie mixte sont maintenues. Mais la définition des sociétés d’économie mixte a connu une modification substantielle en ce que pour être qualifiée comme telle, le capital social doit être détenu majoritairement par l’Etat, une ou plusieurs entreprises publiques ou une ou plusieurs collectivités territoriales décentralisées.

L’article 10 de la loi 2007/11 pose de manière claire le principe de la soumission des entreprises publiques au droit OHADA mais sous réserve de l’application des dispositions de la loi. Le caractère dualiste des règles applicables à ces entreprises est donc maintenu mais il est moins prononcé pour les sociétés d’économie mixte.

Les organes de gestion des entreprises publiques sont l’assemblée générale des actionnaires, le conseil d’administration et la Direction générale dont les attributions et règles de désignation et de fonctionnement sont précisées et varient en fonction de la catégorie à laquelle elles appartiennent. Les administrateurs et dirigeants sont soumis à des mesures restrictives et des règles d’incompatibilité. La durée de leur  mandat est limitée et la violation de la limitation des mandats des dirigeants est assortie dorénavant d’une sanction sévère qui est la nullité des actes pris.

La loi rappelle le principe de la soumission de ces entreprises au contrôle externe par les commissaires aux comptes, précise les règles relatives à leur dissolution et leur liquidation ainsi que le régime des sanctions applicables aux dirigeants fautifs avec l’introduction explicite de l’infraction de détournement des deniers publics qui est punie conformément aux dispositions du code pénal.

Un jour nouveau se lève certainement pour les entreprises et établissements publics au Cameroun…

 

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  1. TCHIENO TIMENE Arsène

    Merci pour ces éclairages Madame le professeur.

  2. nga

    Merci Professeur. Svp pourriez vous également nous apporter des éclaircissements sur la question des marchés publics. Dans cette loi? Plus précisémment l’article 119.

    • Kalieu Yvette

      Bonjour, de quelle loi parlez vous exactement?
      merci

    • Kalieu

      Bonjour,
      La nouvelle loi sur les marchés publics a certainement apporté des éléments de réponse à votre préoccupation. cordialement

  3. Bonjour Professeur. Je pense qu’il y a un léger malentendu dans votre explication en ce qui concerne les sociétés à économie mixte. Vous dites que : « Mais la définition des sociétés d’économie mixte a connu une modification substantielle en ce que pour être qualifiée comme telle, le capital social doit être détenu majoritairement par l’Etat, une ou plusieurs entreprises publiques ou une ou plusieurs collectivités territoriales décentralisées. »
    Ce qui change, c’est le périmètre d’application. En effet, l’Article 2 – Alinea 2 dit que cette loi s’applique « aux sociétés à économie mixte dans lesquels l’Etat,…. est majoritaire ». L’alinea 3 du même article précise que « sont exclues du champ d’application, les SEM dans….est minoritaire ».
    Cordialement

    • Eric MANIABLE

      Ce qui voudrait dire que les Sociétés d’Economie Mixte dans lesquelles l’Etat est minoritaire resteraient soumises à la loi de 1999 ?

      • kalieu

        A mon avis lorsque l’Etat est minoritaire, la société n’est plus soumise à un régime spécial mais au régime de droit commun des sociétés. Il me semble que la loi de 1999 n’est plus applicable. Ce qui réduit le champ d’intervention de l’Etat dans le secteur privé et par conséquent l’application de règles spécifiques toutes les fois que l’Etat est présent dans le capital d’une société.

        • Ronel winnie

          Mais comment peut-on parler de classification du secteur public actuellement au Cameroun ?

  4. Raissa Paydi

    Bjr prof ! J’aimerai savoir si cela peut faire l’objet d’une thèse en droit des affaires…. Le caractère dualiste des entreprises et établissements publics au cameroun

    • kalieu

      Je pense qu’il faut mieux préciser le thème pour en faire un sujet de thèse.

  5. Simplice DJOUMESSI

    Bonjour Professeur, j’aimerai savoir si dans le SEM, la majorité de l’État se constate lorsqu’elle détient le plus d’actions dans la société ? Ou alors cela est-il proportionnel à la fraction du capital que l’État ou l’un de ses démembrements devrait avoir seul ou collectivement ?

    • kalieu

      La majorité, selon les textes, c’est bien lorsque l’Etat seuls ou avec ses démembrements le cas échéant, ou ceux-ci uniquement détient plus de la majorité du capital ou plus précisément des actions de la société

      • FOPA EDITH

        Bonjour Professeur merci pour ces éclaircis. J’aimerai savoir quel impact la loi de 2017 portant statut des entreprises aura t’elle sur le déroulement de la liquidation des entreprises publiques?

        • kalieu

          La liquidation des entreprises publiques se fait en principe selon les règles de droit commun du droit des sociétés commerciales OHADA. Cependant la loi de 2017 comporte de nombreuses règles dérogatoires comme par exemple le caractère amiable de la liquidation.

          • FOPA EDITH

            Bonjour Professeur et merci pour ces explications.
            Professeur comment peut-on appréhender le sort des créanciers lorsque la liquidation d’une
            entreprise publique débouche sur une insuffisance d’actifs

  6. Marcel Elmer Ebadouo

    C’est article m’a vraiment été utile, je vous en remercie

  7. Samantha Djoumessi Awamba

    Bonjour Professeur et merci pour les éclaircissements relatifs à la loi de 2017.
    J’aimerais s’il vous plaît savoir si L’Acte uniforme portant Procédures Collectives sera désormais appliqué aux entreprises publiques dès lors que celles ci sont soumises au droit ohada des Sociétés Commerciales.
    Merci d’avance

    • Kalieu

      Bjr
      Effectivement l’acte uniforme s’applique aux entreprises publiques ayant une forme de société commerciale sauf si la loi de 2017 a elle même prévu des dérogations puisque l’AUPCAP leur donne cette possibilité .
      Lire mon ouvrage de Droit des procédures collectives OHADA sur la question.

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