Protection des droits de propriété intellectuelle dans l’espace OAPI : De l’accord de Bangui révisé à l’Accord de Bamako du 14 décembre 2015, ce qui change.

Pr KALIEU ELONGO Yvette Rachel

Université de Dschang

L’Accord de Bangui instituant l’OAPI révisé en 1999 et connu généralement sous l’expression de l’ABR a connu en 2015 une nouvelle révision à travers l’Accord de révision adopté à Bamako le 14 décembre 2015. Ce nouvel accord est entré en vigueur près de 5 ans jour pour jour après son adoption soit le 20 novembre 2020. Cette entrée en vigueur faisait elle-même suite au dépôt des instruments de ratification par deux tiers des 17 Etats membres de l’Organisation. 

Bien qu’elle se soit opérée sans tambours ni trompettes, l’entrée en vigueur du nouvel Accord  ainsi que de 4 des 10 annexes apporte des modifications substantielles au régime jusque-là appliqué par l’OAPI pour la protection des différents droits de propriété intellectuelle qu’elle régit à savoir les droits de propriété industrielle et les droit d’auteurs et droits voisins.

Avant de présenter quelques des modifications significatives, il faut ajouter qu’en plus du Nouvel Accord et des annexes, un Règlement d’application de l’Accord a été adopté le 8 décembre 2020. Il porte sur l’application des procédures prévues par les annexes et concerne notamment  les formalités relatives aux demandes de brevets et certificats d’addition, aux demandes de certificats d’enregistrement de modèles d’utilité et certificats d’amélioration, aux demandes de certificats d’enregistrement de marques, de dessins et modèles industriels, de noms commerciaux, d’indications géographiques, aux demandes de certificats d’obtentions végétales et de dépôt des circuits intégrés, les inscriptions aux registres spéciaux et les publications, les maintiens en vigueur, les renouvellements, les prolongations et les extensions.

Au rang des réformes et modifications qui prennent en compte certaines évolutions technologiques, on peut signaler :

  • L’admission des dépôts électroniques : il est désormais possible de présenter des demandes par voie électronique en présentant des dossiers électroniques.
  • L’institution des modes alternatifs de règlement des litiges de la propriété intellectuelle avec la création du centre d’arbitrage et de médiation. Le Règlement portant création du Centre ainsi que les règlements relatifs d’une part à la procédure d’arbitrage et d’autre part à la procédure de médiation ont été effectivement adoptés bien avant l’entrée en vigueur de l’Accord révisé
  • L’institution d’un régime de copropriété des titres : les différents titres délivrés par l’OAPI peuvent désormais faire l’objet de copropriété. Il en est ainsi en matière de brevet lorsque plusieurs personnes ont fait une invention en commun. Les droits des différents copropriétaires sur le titre sont définis dans les différents annexes.
  • L’institution d’une marque mixte pour les produits et les services. Alors que l’on distinguait jusqu’à lors marque de produit et marque de service ce qui avait pour conséquence l’obligation de faire une demande pour chaque titre, l’Accord révisé admet la marque mixte ce qui donne la possibilité de faire une demande d’enregistrement unique.
  • L’admission des indications géographiques transfrontalières :  Une indication géographique sert à identifier un produit comme étant originaire d’un lieu, d’une région ou d’un pays, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique. Jusque-là la protection des indications géographiques était liée à un pays donnée. Avec l’admission indications géographiques transfrontalières, il sera possible de déposer désormais une demande de protection pour une indication géographique qui touche plusieurs Etats tous membres de l’OAPI ou des Etats de l’OAPI et des Etats tiers membres de l’arrangement de Lisbonne.
  • La consécration des règles de l’Annexe VII relatives aux droits d’auteurs et droits voisins comme une norme minimale. Autrement dit les Etats conservent la possibilité d’adopter leur propre législation nationale en matière de droits d’auteurs et droits voisins. C’est le cas de la plupart des pays de l’OAPI. Toutefois la protection accordée ne saurait être inférieure à celle accordée par la législation OAPI.
  • L’harmonisation du contentieux administratif relatif aux oppositions et aux revendications suite aux demandes d’enregistrement des titres : Aux différents régimes de contentieux administratif se substitue un régime unique. A cela s’ajoute le fait que le contentieux interviendra désormais après la publication des demandes d’enregistrement des titres. 
  •  Le renforcement du régime de protection des titres.  La contrefaçon reste l’une des meilleurs moyens pour assurer la protection des différents titres accordés. Avec la réforme, les sanctions pénales de la contrefaçon sont désormais aggravées. Mais en plus le nouvel Accord institue des sanctions préventives de la contrefaçon. Le régime de preuve des infractions est également réaménagé.

Au-delà de ces quelques réformes, l’Accord de Bamako comporte de nombreuses innovations. Il reste à espérer que les différents acteurs jouent leur rôle pour que les nouveaux objectifs que s’est fixée l’OAPI soient atteints.