Des limites de la compétence de la CJ – UEMOA en matière de contentieux des marchés financiers ( COUR DE JUSTICE DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA),
Arrêt N°02/2024 du 17 janvier 2024, Monsieur Omolola Sel Paul-Harry AITHNARD contre Conseil Régional de l’Epargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF) )
Pr KALIEU ELONGO Yvette Rachel
Université de Dschang
CAMEROUNUEMOA- CREPMF – Décision de démission d’office du PCA d’une société de gestion – recours en annulation – compétence de la CJ UEMOA – Non.
Le recours en annulation d’une décision du Conseil Régional de l’Epargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF) de l’UMOA – devenu Autorité des marchés financiers de l’UMOA, portant démission d’office du Président du conseil d’administration d’une société de gestion et sanction pécuniaire à l’encontre de ce dernier ne relève pas de la compétence de la Cour de Justice de l’UEMOA mais de celle des tribunaux judiciaires des Etats membres. C’est ce qu’a décidé la Cour de justice de l’UEMOA dans l’affaire ici commentée.
Les faits tels que présentés ne laissaient pourtant pas présager des questions liées à la compétence de la CJ UEMOA. Dans le cadre de ses missions de contrôle de l’activité des intervenants du marché financier, le CREPMEF avait procédé à différentes contrôles de la société de gestion dont le requérant assurait les fonctions de Président du Conseil d’administration. Plusieurs manquements tels que l’exercice d’activités illégales par la société ayant été constatés, des mises en demeure et injonctions avaient été adressées en leur temps à la société à travers le PCA mais seraient restées mortes.
A la suite d’un nième contrôle effectué par le CREPMEF, celui-ci avait alors décidé de l’audition du PCA de la société. A l’issue de cette audition, des sanctions avaient été prononcées à son encontre, en particulier sa démission d’office de ses fonctions de PCA de la société assortie de sanctions pécuniaires.
C’est cette décision, que le requérant contestait tant sur la forme que sur le fond, qui a été portée devant la Cour de justice de l’UEMOA.
Les différents arguments soulevés par le requérant au soutien de sa demande ont été réfutés par le défendeur qui estimait que la sanction était justifiée.
On ne saura malheureusement pas si les sanctions prononcées étaient légalement justifiées ou non et si la procédure avait été respectée. En effet et alors qu’aucune des parties n’avait soulevé l’exception d’incompétence, la Cour a décidé, in limine litis, de se prononcer sur sa compétence à connaître de cette affaire. En se fondant sur les dispositions de l’article 49 alinéa 2 de l’annexe de la Convention portant Création du CREPMF, la Cour décide que la décision du CREPMF prononçant la démission d’office du PCA n’est ni un acte réglementaire car dépourvu de portée générale, ni un acte relatif à l’agrément des intervenants du marché au sens des dispositions de l’article 49 alinéa 1 de l’annexe de la Convention portant création du CREPMF. Par conséquent, cette décision n’est pas susceptible de recours devant la Cour de Justice ; elle appartient plutôt à la catégorie des actes visés à l’alinéa 2 de l’article 49 de la Convention portant création du CREPMF et qui relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires des Etats membres. Ainsi, tout en admettant la compétence de la Cour de Justice, à connaître des décisions du CREPMF relatives à l’agrément des intervenants du marché, la Convention a exclu de cette compétence, « Les recours contre les autres actes du Conseil Régional ». Pour la Cour, la décision de démission d’office et le prononcé des sanctions pécuniaires contre un PCA d’une société de gestion relevaient de cette exception. La Cour ajoute qu’aux termes de l’article 16 du Traité de l’UEMOA « … les organes agissent dans la limite des attributions qui leurs sont conférées par le Traité de l’UMOA et le présent Traité et dans les conditions prévues par ces Traités… ». En conséquence, elle s’est déclarée incompétente à connaître du recours en appréciation de légalité intenté contre la décision du CREPMF. Cette décision peut surprendre car il est généralement admis que la Cour de justice connaît des recours contre les décisions des organes de l’UEMOA. Or, comme elle le reconnaît elle-même, le CREPMF est bien un organe de l’Union et ses décisions comme celles des autres organes peuvent être portées devant la Cour. Mais, c’était sans compter avec cette exception prévue par la Convention portant création du CREPMF. Et en application de la règle « specialia generalibus derogant », les juges communautaires ne pouvaient connaître de ce contentieux de l’annulation d’une décision prise certes par le CREPMF mais exclue de la compétence de la Cour.
Les juges communautaires ont fait une application stricte de la loi. Certes, cette disposition peut surprendre mais comme l’ont affirmé les juges « les organes agissent dans la limite des attributions qui leur sont conférées par le Traité de l’UMOA ». La Cour ne pouvait donc agir au-delà de ses attributions en matière de contentieux des marchés financiers. Les parties l’ont certainement appris à leurs dépens.. « Sur la compétence de la cour Considérant que la compétence juridictionnelle est d’ordre public, de sorte que la cour de céans doit vérifier sa compétence à connaître du recours en appréciation de la légalité dont elle est saisie, même si aucune des parties, au procès, n’a décliné sa compétence ; Considérant que l’article 8 alinéa 2 du Protocole Additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de UEMOA dispose que « le recours en appréciation de la légalité est ouvert, en outre, à toute personne physique ou morale, contre tout acte d’un organe de l’Union lui faisant grief » ; Que l’alinéa 1er de l’article 27 de l’Acte Additionnel n°10/96 du 10 mai 1996 portant statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA prévoit que « la Cour est compétente pour connaitre notamment……..des recours en annulation des règlement, directives et décisions des organes de l’UEMOA tels que prévu aux articles 8 et suivants du Protocole Additionnel n° 1 » ; Qu’en application de l’article premier de la Convention portant Création du CREPMF, celui-ci est un organe de l’UEMOA de sorte que, ses actes faisant grief à toute personne physique ou morale peuvent être déférés à la censure de la Cour de céans, au moyen d’un recours en appréciation de leur légalité ; Que cependant, l’article 49 alinéa 2 de l’annexe de ladite Convention portant Création du CREPMF dispose que « les recours contre les actes du Conseil Régional, qui ont un caractère réglementaire ou qui sont relatifs à l’agrément des intervenants du marché sont soumis à la Cour de justice de l’UEMOA. Les recours contre les autres actes du Conseil Régional relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires des Etats » ; Qu’il en résulte que la Convention portant création du CREPMF, une norme spéciale et postérieure, ayant même valeur juridique que le Protocole Additionnel, a restreint les dispositions générales de l’article 8 alinéa 2 du Protocole Additionnel n° 1 relatif aux organes de l’UEMOA. Qu’il s’en déduit que les recours, contre les actes du Conseil Régional qui ont un caractère réglementaire ou qui sont relatifs à l’agrément des intervenants du marché sont soumis à la Cour de Justice de l’UEMOA alors que les recours contre les autres actes relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires des Etats membres ».
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