Le Droit des affaires en mouvement

Compte bancaire et compte de paiement : attention à la confusion

Compte bancaire et compte de paiement : attention à la confusion

Par Yvette Rachel KALIEU ELONGO, Université
de Dschang (Cameroun)

L’avènement de la banque mobile c’est-à-dire le développement des transactions avec utilisation du téléphone mobile a fait perdre sa spécificité au compte bancaire.  Il est en effet devenu courant de dire que l’on a « ouvert un compte » auprès de tel distributeur de monnaie électronique ou que l’on fait un dépôt ou un retrait sur son compte. Et beaucoup assimilent alors le compte ouvert pour effectuer les transactions via le téléphone mobile à celui ouvert auprès des institutions bancaires.

Le règlement CEMAC du 21 décembre 2018 relatif aux services de paiement vient mettre fin à la confusion. D’une part, le règlement donne une définition du compte bancaire. Curieusement celle-ci n’existait pas jusque-là dans la législation CEMAC et seule la doctrine, s’inspirant du droit comparé, proposait une définition qui pouvait d’ailleurs varier d’un auteur à l’autre. D’autre part et surtout,  ce règlement institue la notion de compte de paiement.

Le compte bancaire est défini comme un compte ouvert et tenu par un établissement de crédit ou de microfinance au nom d’une personne physique ou morale pour la réalisation des opérations de banque, des opérations connexes ( pour les établissements de crédit) ou des opérations autorisées ( pour les établissements de microfinance à l’exception de l’émission et de la gestion de la monnaie électronique). Il s’agit principalement pour ce qui est des opérations de banque de la réception de fonds du public, l’octroi de crédits, la délivrance de garanties en faveur d’autres établissements de crédit, la mise à la disposition de la clientèle et la gestion de moyens de paiement.  Pour les opérations autorisées, Il s’agit de  la collecte de l’épargne pour les EMF de 1ère et 2ème catégorie, des opérations de crédit  en faveur de leurs membres ou des tiers, des placements financiers  auprès des banques commerciales de l’État d’implantation,  de la souscription des bons du Trésor ou de ceux émis par la BEAC ainsi que les opérations autorisées à titre accessoire telles que la location de coffre-fort, les opérations de crédit-bail, les actions de formation.  Quant aux opérations connexes accomplies par les établissements de crédit, il s’agit, entre autres des opérations de change, de la location de coffres-forts, de la gestion de portefeuille de valeurs mobilières.

Le compte de paiement quant à lui est un compte détenu au nom d’un ou plusieurs clients, dans les livres d’un prestataire de services de paiement (établissement de crédit, établissement de microfinance , établissement de paiement) pour l’exécution des opérations de paiement définies comme des actions consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, ordonnée par le payeur ou le bénéficiaire à l’exception de l’émission et la gestion de la monnaie électronique ; de la mise à disposition, de la gestion des moyens de paiement cambiaires, notamment le chèque, le billet à ordre, la lettre de change et le crédit documentaire. Le compte de paiement peut donc être tenu auprès de tout prestataire de service de paiement en particulier auprès des établissements de paiement. Autrement dit,  les établissements de paiement ne peuvent ouvrir et tenir que des comptes de paiement alors que les établissements de crédit et de microfinance peuvent ouvrir et tenir aussi bien les  comptes bancaires que les comptes de paiement.

Cette distinction a des conséquences qui se prolongent sur le régime des opérations qui peuvent conclues sur l’un ou l’autre compte.

Ainsi, les  comptes de paiement sont utilisés exclusivement pour des opérations de paiement.   Les fonds reçus dans les comptes  de paiement de la part des clients restent la propriété de ceux-ci ; ils ne constituent pas des dépôts au sens des articles 5 de l’Annexe à la Convention du 17 janvier 1992 et 21 du règlement n°01/17/CEMAC/UMAC/COBAC alors que le compte bancaire reçoit des dépôts qui peuvent, dans certains cas, être rémunérés.  Ces dépôts peuvent être utilisés par l’établissement de crédit ou de microfinance qui est tenu d’une obligation de restitution. Le compte de paiement ne saurait, en principe être débiteur, contrairement au compte bancaire.

Il faut donc désormais s’habituer à la distinction et éviter toute confusion entre les deux types de comptes qui sont désormais appelés à « cohabiter » mais en remplissant chacun un rôle bien précis mais avec le même objectif faciliter les transactions financières.

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  1. Tchio Talla Jaurès

    Merci beaucoup Pr. Ça balançait déjà dans tous les sens dans les rues.

  2. TCHOUMI Léopold

    Merci de vos précieux enseignements.
    Vous êtes un phare juridique, continuez à illuminer l’Afrique.
    Puisse Dieu vous combler de grâces.

  3. Joemou patio Fernand

    Merci Professeur .

  4. Amy

    Bonjour, Merci pour vos articles.

    J’ai une question concernant les distributeurs. Ceux ci peuvent ils transférer les fonds qu’ils détiennent dans un compte de paiement ouvert dans les livres d’un PSP vers leur propre compte bancaire ?

    • Kalieu Yvette

      Bonjour,
      Non les distributeurs ne peuvent pas transférer les fonds détenus vers leurs comptes bancaires . Les fonds détenus dans le cadre des services de paiement doivent d’ailleurs être remis dans un fonds de cantonnement détenu dans un établissement de crédit et qui n’est pas accessible même pour le prestataire de service de paiement lui-même.

  5. FRANCK BOBWAMOU

    Merci pour cet enseignement Pr. Vous êtes une bibliothèque vivante en matière de Droit des Affaires.

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