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Une agence de voyage est un intermédiaire de commerce au sens du droit OHADA ( CCJA, Arrêt N° 013/2020 du 23 janvier 2020 , Madame SOUMAH Sandra Contre Société MERIANE Voyages & Compagnie Air France )

Une agence de voyage est un intermédiaire de commerce au sens du droit OHADA ( CCJA, Arrêt N° 013/2020 du 23 janvier 2020 , Madame SOUMAH Sandra Contre Société MERIANE Voyages & Compagnie Air France )

Par KALIEU ELONGO Yvette

Les faits

Une agence de voyages procédait régulièrement à la vente des billets de voyage d’une compagnie de transport aérienne. Dans le cadre de ces ventes, elle fait une offre promotionnelle de vente des billets. Un client souscrit cette offre et fait des réservations en payant une certaine somme d’  argent. Quelques temps après, la compagnie fait un démenti des offres promotionnelles qu’elle n’a jamais annoncées.

Le client saisit alors les tribunaux pour demander le remboursement des sommes versées et demande pour cela la condamnation solidaire de l’agence de voyage et de la compagnie de  transport. A la demande de la compagnie, elle est mise hors de cause, ce que contestent l’agence et le client. Pour la compagnie il n’y a aucune preuve du mandat et l’agence n’était d’ailleurs pas accréditée par les instances compétentes.

Saisie de l’affaire, la haute cour va casser l’arrêt rendu au motif que la Cour d’appel devait vérifier si les conditions d’application des articles 169 et 183 étaient réunies. Sur évocation, la CCJA va décider que l’agence de voyages avait bien la qualité d’intermédiaire puisque habituellement et professionnellement, elle vend, au nom et pour le compte d’une compagnie aérienne, des billets d’avion, La cour en déduit que les relations entre l’agence, la compagnie et le tiers sont régies par les règles du contrat de mandat conformément  à l’article 175 AUDCG.

Commentaires

L’activité d’agence de voyages est une activité qui s’exerce régulièrement dans les différents pays de l’OHADA. A travers cette décision, la CCJA a fait des précisions importantes et claires sur le statut de ces agences dans leurs rapports avec les compagnies de voyages et avec les tiers. Ainsi, pour la CCJA, une agence de voyage est un intermédiaire de commerce0 Par conséquent il est régi par les règles du mandat comme tous les autres intermédiaires. L’application de ces règles  a pour conséquence que la compagnie de transport répond en sa qualité de mandant des actes du mandataire à l’égard des tiers lorsque certaines conditions sont réunies.

  • L’agence de voyage est un intermédiaire de commerce

L’article  169 AUDCG dispose : » L’intermédiaire de commerce est une personne physique ou morale qui a le pouvoir d’agir, ou entend agir, habituellement et professionnellement pour le compte d’une autre personne, commerçante ou non, afin de conclure avec un tiers un acte juridique à caractère commercial ».

Constatant en l’espèce que l’agence de voyage, vendait habituellement à titre de profession et  au nom et pour le compte d’une compagnie aérienne, des billets d’avion, la cour en a déduit qu’elle exerçait bien l’activité d’intermédiaire de commerce.

  • Les intermédiaires de commerce sont régis par les règles du mandat dans leurs rapports entre les représentés et les tiers.

Il ressort de l’article 175  AUDCG que : « Les règles du mandat s’appliquent aux relations entre l’intermédiaire de commerce et la personne pour le compte de laquelle celui-ci agit, même de façon occulte.

Les relations entre l’intermédiaire, le représenté et le tiers visé à l’article 169 ci-dessus sont régies par les articles 180, 181, 184 et 185 du présent Acte uniforme ».

Ainsi, dès lors qu’est prouvée la qualité d’intermédiaire de commerce, les règles du mandat s’appliquent. Peu importe donc en l’espèce que la preuve du mandat n’ait pas été rapportée, ou qu’il n’y ait eu ni agrément ni accréditation de l’agence de voyage par la compagnie ou toute autre personne.

  • Le dépassement du pouvoir du mandataire engage le mandant envers les tiers mais à certaines conditions

 « Lorsque l’intermédiaire agit sans pouvoir, ou au-delà de son pouvoir, ses actes ne  lient ni le représenté ni le tiers visé à l’article 169 ci-dessus .

 Toutefois, lorsque le comportement du représenté conduit ce tiers à croire,
raisonnablement et de bonne foi, que l’intermédiaire a le pouvoir d’agir pour le
compte du représenté, ce dernier ne peut se prévaloir à l’égard dudit tiers du défaut de pouvoir de l’intermédiaire
». C’est ce qui ressort de l’article 183 AUDCG.

Le principe est que le représenté  n’est pas tenu des actes du représentant lorsque celui-ci dépasse ses pouvoirs. Mais la règle admet une exception tenant  au comportement du représenté. Le fait en l’espèce pour la compagnie de voyage d’avoir agréé certains billets de l’opération contestée et le fait qu’elle avait l’habitude de collaborer avec l’agence a fait croire raisonnablement au client que cette agence agissait au nom de la Compagnie. Par conséquent, le dépassement du mandat lui était inopposable. Elle devait donc être solidairement condamnée à l’égard du client pour le remboursement des sommes perçues par l’agence de voyages. 

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  1. KIMBENGA ASSANI Jean Serge

    Très bonne jurisprudence !

  2. Avegnon

    Intéressant Professeure! Un appel à plus de vigilance de la part des compagnies aériennes de transport.

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