Responsabilité des organes et institutions communautaires : les précisions apportées par la Cour de Justice de l’UEMOA

COUR DE JUSTICE DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA), ARRÊT N°04/2019 DU 15 MAI 2019,  L’AGENCE WELLINDE VOYAGES S.A.R.L. C/ La Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine et ARRÊT N° 03/2019 DU 10 AVRIL 2019, Le Fonds de Solidarité Africain (FSA) C/ l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) la Commission.

Pr KALIEU ELONGO Yvette
Université de Dschang

Par ces deux arrêts  rendus en quelques jours d’intervalle, la COUR DE JUSTICE DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE apporte d’importantes précisions sur le régime de l’action en responsabilité contre les organes et institutions de l’UEMOA.

Dans le premier arrêt (ARRÊT N°04/2019 DU 15 MAI 2019,  L’AGENCE WELLINDE VOYAGES S.A.R.L. C/ La Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine), la  Cour de précise qu’elle n’est pas compétente pour connaitre de l’action en responsabilité contractuelle introduite contre une institution  de l’Union. . En l’espèce une agence de voyage avait introduit une action en responsabilité contre la Commission de l’UEMOA pour voir celle-ci être condamnée au remboursement du prix des billets d’avion acquis pour le compte de ses agents ainsi qu’au paiement des dommages intérêts et remboursement des frais d’avocat.

La Cour rappelle à juste titre que sa compétence en matière de responsabilité des organes  est limitée. Si elle peut connaître des actions en responsabilité  non contractuelle des organes de l’Union, elle ne saurait comme en l’espère être compétente en ce qui concerne des actions en responsabilité contractuelle. Elle rejette alors le recours en invitant le requérant à mieux se pourvoir.

 La motivation est claire : « Qu’ainsi, selon l’article 27 de l’Acte additionnel portant Statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA, elle est compétente pour connaitre notamment…., des recours en responsabilité, conformément à l’article 15-5 du Règlement de Procédures,; Qu’en effet, aux termes de l’article 15-5 du Règlement de Procédures, « La Cour de Justice est seule compétente pour déclarer engagée la responsabilité non contractuelle et condamner l’Union à la réparation du préjudice causé…. » ; Qu’en l’espèce, s’agissant d’un litige portant sur la responsabilité contractuelle de la Commission de l’UEMOA, la Cour doit se déclarer incompétente »

Dans le second arrêt  ( ARRÊT N° 03/2019 DU 10 AVRIL 2019, Le Fonds de Solidarité Africain (FSA) C/ l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) la Commission ), tout en admettant que la Cour de Justice de l’UEMOA est compétente pour connaitre de l’action en responsabilité extra contractuelle de l’Union et d’un organe ou une institution communautaire, la Cour rappelle que la recevabilité de l’action suppose que le recours soit introduit dans les délais prévus par les textes ce qui n’était pas le cas. En effet, le FSA avait introduit un recours en responsabilité extracontractuelle contre la Commission de l’UEMOA et la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour obtenir réparation de différents préjudices subis. Cependant, le recours avait été introduit hors délai parce que la requérante s’était d’abord pourvue en cassation devant une juridiction nationale. La BCEAO Soutenait par ailleurs que la Cour ne pouvait connaitre de recours dirigés contre elle puisqu’elle n’est pas un organe de l’Union.

« Considérant qu’en ce qui concerne le recours en responsabilité non contractuelle de l’Union, la Cour tire sa compétence de l’acte Additionnel Nº 10/96 portant statut de la Cour de Justice et du Règlement 01/96 portant Règlement de procédure de la Cour ; Que la BCEAO, étant une institution spécialisée de l’Union au même titre que la BOAD dont la justiciabilité a été reconnue par la Cour de céans, ne peut échapper à la compétence de la même juridiction ; ……..

Que les textes précités, notamment, l´article 15 alinéa 5 in fine du Règlement 01/96 et 50 de l’Acte Additionnel Nº10/96 portant statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA, précisent que l’action en responsabilité contre l’Union se prescrit dans un délai de trois (3) ans à compter de la réalisation du dommage ; Que cependant, plus de trois ans se sont écoulés entre la date de la réalisation du dommage allégué, c’est-à-dire le 19 avril 2006, date de l’arrêt définitif de la Cour d’Appel de Niamey et le 26 mai 2010, date d’introduction du présent recours ; Que le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif, il apparaît que le requérant a agi hors délai ; Qu’en conséquence sa requête doit être déclarée irrecevable du fait de la prescription de l’action en responsabilité .

P A R C E S M O T I F S ;  Statuant publiquement, contradictoirement en premier et dernier ressort en matière de droit communautaire et de responsabilité non contractuelle ; – se déclare compétente ; – déclare régulier, en la forme, le recours introduit par le Fonds de Solidarité Africain (FSA) en action de responsabilité de la BCEAO et de l’Union ; – constate la prescription de l’action en responsabilité et déclare par conséquent irrecevable ledit recours ».

Il s’agit dans l’un et l’autre cas de décisions conformes aux textes communautaires qui s’imposent aux tiers et aussi aux organes de l’Union et qui contribueront certainement à mieux asseoir  le droit communautaire.