Le Droit des affaires en mouvement

L’exclusion du droit bancaire du domaine du droit OHADA : le rappel de la CCJA (CCJA, 2e Ch., Arrêt No1/2023, 19 Janvier 2023)

L’exclusion du droit bancaire du domaine du droit OHADA : le rappel de la CCJA (CCJA, 2e Ch., Arrêt No1/2023, 19 Janvier 2023)

Pr KALIEU ELONGO Yvette Rachel, Université de Dschang

Parmi les premières décisions rendues en ce début d’année par la CCJA figure celle du 19 janvier 2023 rendue par la deuxième Chambre de la Haute juridiction communautaire qui porte sur le domaine matériel du droit OHADA.

La question qui a donné lieu à cette décision de la haute juridiction communautaire semblait simple et à la limite banale tant on pouvait penser que la réponse était évidente et déjà connue.
Dans cette affaire en effet, la Cour était saisie d’un pourvoi concernant un litige ayant trait à la réclamation de sommes d’argent suite à la mauvaise gestion des comptes ouverts dans les livres d’une banque par le demandeur en pourvoi.

Presque sans surprise la Cour se déclare incompétente à connaitre de ce pourvoi au motif que « le droit bancaire ne fait pas partie des matières énumérées par l’article 2 du Traité qui précise le champ des matières couvertes par le droit des affaires OHADA ». Cette exclusion avait été discutée en son temps. Il est vrai que la question de l’extension du domaine de l’OHADA au droit bancaire avait été envisagée à un moment mais cette possibilité avait été aussitôt  abandonnée.

De l’incompétence de la CCJA à connaître des questions relatives au droit bancaire, la Cour déduit que dans l’espace OHADA, le droit bancaire est régi par le droit des espaces sous régionaux à savoir la CEMAC et l’UEMOA. Ces deux sous régions disposent en effet depuis les années 90 d’un dispositif communautaire uniformisé qui régit le droit bancaire dans ses aspects institutionnels – organisation, contrôle et sanctions des structures bancaires – mais aussi matériel à savoir la réglementation de l’activité bancaire bien que tous les aspects ne soient pas pris en compte. Cette réglementation uniforme prend dans la CEMAC la forme de règlements directement applicables en tous leurs éléments dans les Etats membres alors que dans l’UEMOA il s’agit surtout de directives qui adoptent des lois uniformes transposés in extenso dans tous les Etats membres.

Toutefois, en disposant que le droit bancaire est régi dans l’espace OHADA par les législations de la CEMAC et de l’UEMOA, les juges communautaires semblent réduire le droit bancaire à celui édicté dans ces  deux sous régions. C’est oublier  que dans l’espace OHADA si la majorité des pays appartient à ces régions à savoir le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la RCA et le Tchad pour la CEMAC ;  le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo pour l’UEMOA,  il y a des pays de l’OHADA qui n’appartiennent à aucune de ces deux  zones. C’est le cas de la Guinée, de la RDC et des Comores. Ces pays disposent chacun de leur législation nationale en matière bancaire. On a souvent tendance à ne pas les prendre en compte.

Sous cette petite réserve, les juges ont fait un rappel bien utile afin que nul n’ignore que le droit des affaires de l’OHADA n’est pas finalement si extensible qu’on le pense.

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  1. Hamidou SISSOKO

    Merci pour l’explication professeure.
    Donc le début est clos à ce niveau.

  2. Daniel KEUFFI

    Cette déclaration d’incompétence de la Haute Juridiction et le pas ainsi franchi vers l’exclusion explicite du droit bancaire du champ d’application du droit OHADA me laisse toutefois songeur sur le sort d’autres matières tels le droit Financier, le droit minier, le droit des assurances, etc..

    Avec cet Arrêt, la Cour prend à contrepied l’article 916 de l’AUDSCGIE en élevant au rang de principe ce qui jusqu’ici était une exception.

    En effet, le principe jusqu’ici posé à l’article 916 de l’AUDSCGIE était que l’ Acte uniforme DSGIE s’applique aux sociétés soumises à un régime particulier sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires auxquelles elles sont assujetties.

    Tel est le cas du droit bancaire, du droit financier, du droit des assurances etc.., qui bien que reposant sur des règles particulières, n’en sont pas moins soumis au droit OHADA pour les points non régies par leurs régimes particuliers.

    Sur les points non prévus par ces régimes particuliers, il était jusqu’ici prévu que les clauses des statuts de ces sociétés à régime particulier, contraires aux dispositions de l’ Acte uniforme et non prévues par le régime particulier desdites sociétés devaient être mises en harmonie avec l’Acte uniforme dans les conditions prévues à l’article 908 dudit Acte Uniforme.

    Attendons de voir si d’autres décisions sur d’autres matières à régime particulier viendront confirmer cette position de la Cour et trancher définitivement la question de savoir si tout matière non énumérée par l’article 2 du Traité est ipso facto exclu du champ du droit des affaires OHADA?

    Pour aller plus loin sur ce sujet, lire note article:
    « la mise en harmonie des statuts des sociétés congolaises à la suite à la ratification du Traité OHADA par la RDC » Receuil Penant, Numéro spécial : arbitrage et médiation en Afrique, janvier-mars 2016, N°894, Juris Africa · 1 mars 2016

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