Agrégée de droit privé depuis 2003, Maître de Conférences depuis 2004, cette spécialiste du droit des sûretés se présente à la communauté des internautes, en insistant sur le bilan à mi-parcours de sa carrière d’enseignante-chercheure à l’université de Dschang.
Pourquoi avez-vous choisi de faire un blog ?
Je veux rendre plus accessible ce que je fais, à la fois comme enseignante et comme chercheur. Je me suis rendu compte que le mail traditionnel ne suffisait plus comme moyen de communication avec les internautes qui souhaiteraient communiquer avec moi, notamment par rapport à mes travaux de recherche. Le blog va donc me permettre de communiquer sur ces activités de recherche et d’enseignement que je mène modestement depuis quelques années.
Qu’est-ce que vous diriez si l’on vous demandait de vous présenter auprès des internautes de votre blog ?
Je dirais que je suis une enseignante-chercheure, une citoyenne et une mère de famille. J’enseigne à l’université de Dschang depuis une quinzaine d’années (nous sommes en 2014). En tant que citoyenne camerounaise, j’essaye de remplir les obligations qui sont les miennes. Je suis de ceux qui pensent que tout bon citoyen doit pouvoir respecter l’état, respecter les institutions, même si l’on constate que de temps, les choses ne vont pas comme il faut. En tant que mère, j’ai des obligations à l’égard de ma famille, que ce soit au sens étroit ou au sens large.
Quel est le bilan à mi-parcours que vous pouvez faire aujourd’hui, par rapport à votre carrière d’enseignante-chercheure à l’université ?
Je pense avoir apporté une relative contribution à l’enseignement du droit. Que ce soit à l’université de Dschang, dans d’autres universités du Cameroun ou à l’étranger, j’ai eu à dispenser un certain nombre d’enseignements qui ont contribué à une meilleure connaissance du droit. Il s’agit notamment du droit camerounais, du droit de l’OHADA, du droit de la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC). J’ai été particulièrement marqué par le cours en ligne que j’ai fait il y a quelques années, notamment avec l’appui de l’Agence universitaire de la Francophonie, sur le droit des sûretés. En dehors des étudiants de l’université de Dschang, beaucoup d’autres apprenants sont rentrés en contact avec cette matière.
Sur le plan de la recherche, je pense que ma plume a servi pendant ces années à faire des contributions, qui peuvent trouver leur place dans les librairies et les bibliothèques universitaires. Peut-être que je n’en ai pas faites beaucoup. Mais, les quelques unes que j’ai faites ont permis de faire avancer la recherche. Elles ont certainement permis d’ouvrir des pistes sur certaines questions, que d’autres chercheurs ont poursuivies. De façon précise, on citera les ouvrages, les contributions aux ouvrages collectifs, les articles, les communications à différents colloques, la participation aux jurys de thèse.
Quelle est votre spécialité dans ce vaste champ qu’est le droit et où en êtes-vous avec vos recherches dans le domaine ?
Il est vrai que c’est difficile de se dire spécialiste lorsqu’on est juriste. Disons que je suis d’abord privatiste. Dans le droit privé, qui est lui-même un vaste champ, je me suis intéressée pour diverses raisons, à des matières assez particulières. Ce sont : le droit des sûretés, le droit bancaire, le droit des entreprises en difficulté, le droit de l’OHADA, le droit de la CEMAC. Pour ce dernier cas, je l’ai découvert au détour d’autres travaux que je faisais. Et je me suis donné modestement pour objectif, de contribuer à sa meilleure connaissance. Le droit des sûretés, que j’enseigne, se rattachant au droit OHADA, je me suis intéressé à ce dernier de façon large. Ce qui a d’ailleurs permis que je puisse co-rédiger avec l’éminent Professeur Paul-Gérard Pougoue, l’ouvrage intitulé « Introduction critique à l’OHADA » qui, semble-t-il, a trouvé une place importante auprès des chercheurs en cette matière.
Plusieurs de vos étudiants pensent aujourd’hui qu’on ne peut pas parler du droit OHADA sans associer votre nom. Comment réagissez-vous à cela ?
Ce serait prétentieux de ma part de dire que c’est cela. Mais j’ai fait quelques travaux qui ont marqué ceux qui font des recherches en droit OHADA. Il y a cet ouvrage que j’ai co-rédigé avec le Professeur Pougoué, celui que j’ai publié avec lui en 1998 sur les procédures collectives. J’ai également deux ouvrages sur le droit des sûretés. À cela, s’ajoute le cours en ligne sur les sûretés en droit OHADA publié avec le soutien de l’Agence universitaire de la Francophonie. Enfin, il y a également d’autres travaux de moindre importance. Le droit OHADA est donc un droit nouveau, qui grandit, qui a besoin de se faire connaître. Tout en ne m’éloignant pas de mes champs disciplinaires principaux, je m’y intéresse.
Quelle est aujourd’hui votre plus grande satisfaction dans votre métier d’enseignante chercheure ?
Ma plus grande satisfaction, c’est d’avoir permis véritablement à des étudiants d’évoluer, et notamment d’arriver à soutenir des thèses. Quand, au bout d’une dizaine d’années, un étudiant de première année arrive à soutenir une thèse de doctorat sous votre direction, cela ne peut faire l’objet que d’une grande fierté. Ce n’est pas gagné dans le contexte qui est le nôtre. Je suis satisfaite d’avoir formé des formateurs, qui peuvent contribuer à l’encadrement et à la recherche, activités auxquelles nous nous consacrons déjà. Au jour d’aujourd’hui (Décembre 2014), ils sont déjà six, ces étudiants dont j’ai dirigé ou co-dirigé les thèses de doctorat, et qui ont déjà soutenu leurs travaux. C’est vrai qu’au regard du nombre d’étudiants inscrits, le ratio peut être faible, mais c’est déjà quand même un motif de satisfaction.
Quel est le meilleur des six docteurs dont vous avez dirigé les thèses ?
Je me garderais d’élaborer tout classement. Parce que les candidats ne sont pas les mêmes, les sujets non plus. L’environnement dans lequel ils préparent leurs travaux n’est pas le même. Je ne voudrais donc pas procéder à une hiérarchisation qui pourrait ne pas prendre en compte toutes les considérations. Mais, je sais qu’il y a des thèses qui sont sorties du lot.
On a tout de même beaucoup entendu parler de la thèse de votre candidat, le Dr Patrick Juvet Lowe Gnintedem, qui a gagné la toute première édition du prix de la meilleure thèse en droit communautaire décerné par l’OHADA. Que pouvez-vous en dire ?
C’est vrai que je ne voulais pas le dire. Mais comme vous m’amenez à le faire. C’est d’ailleurs l’un des premiers étudiants que j’ai dirigés. Il a soutenu une thèse intitulées : « Droit des brevets et santé publique dans l’espace OAPI » le 07 janvier 2011. Fort heureusement, il a gagné le prix que vous évoquez. En tant que directeur, je ne peux être que fière. Mais, je n’ai fait que diriger la thèse. Le plus grand mérite revient au candidat.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous êtes confrontée dans votre métier ?
La principale difficulté réside dans les contraintes de temps. Avec tout ce que j’ai comme activités, au regard des effectifs d’étudiants, le temps ne suffit plus pour consacrer suffisamment aux apprenants. Mais, on fait ce qu’on peut. La deuxième contrainte est d’ordre organisationnel. Nos universités ne sont pas encore suffisamment organisées, à telle enseigne qu’on pourrait avoir des services qui s’occupent des certains aspects bien particuliers. Par exemple, on aimera avoir au sein des facultés, des services qui s’occupent spécialement des étudiants de doctorat et qui nous déchargeraient d’un certain nombre de tâches administratives. Car, ces tâches grignotent le temps que nous devons accorder à la recherche.
On ne peut passer sous silence les contraintes matérielles et financières. Elles ne nous permettent pas toujours de faire ce que nous avons à faire. Mais mon crédo, c’est de faire ce que j’ai à faire avec le peu que j’ai. Parce que je me dis que je serai comptable si je ne réalise rien avec les modestes moyens qui sont déjà là. Par la suite, si on a plus de ressources, on fera les choses beaucoup plus importantes.
Est-ce facile d’être une femme dans ce milieu ?
La principale difficulté, c’est de concilier sa vie professionnelle avec sa vie familiale. Ce n’est pas évident de juguler les contraintes sur ce plan là. On est souvent sollicitée sur le plan familial, alors même qu’on a des travaux à boucler. C’est souvent gênant. Pour le reste, on a les mêmes capacités que les collègues hommes.
Lorsqu’on vous annonce votre recrutement comme enseignante à l’université de Dschang en juillet 1996, comment est-ce que vous réagissez ?
Cela n’a pas été un événement particulier. C’était un peu dans la logique des choses. Je remplissais les conditions pour être recrutée comme enseignante d’université. Je venais de Montpellier où j’avais soutenu ma thèse. Les postes ayant été ouverts, c’était normal qu’on me recrute. J’étais satisfaite, sans plus. J’ai peut-être eu plus de chance que d’autres, à savoir ne pas beaucoup trainer après la soutenance de thèse avant de me faire recruter.
En novembre 2003, vous êtes reçue au concours d’agrégation CAMES de droit privé. Racontez-nous un peu cette expérience.
Si, comme je l’ai dit, mon recrutement ne m’a pas faire ressentir d’émotions particulières, ce succès au concours d’agrégation a été un moment fort de ma vie. C’est un challenge personnel que je m’étais donné. J’ai été heureuse d’être admise à ce concours à Ouagadougou, bien loin de mon université d’attache. Il fallait tenir le coup physiquement, et surtout moralement, d’autant plus que j’étais dans un état inhabituel. Car, je m’étais amusée à aller à ce concours avec une grossesse. C’était très émouvant. J’étais quatrième sur les six admis. Le rang pour moi importait peu. Ce qui était important, c’était le succès en lui-même, d’autant plus que j’étais la deuxième femme camerounaise et d’Afrique centrale à avoir réussi à ce concours.
Comment est-ce que l’on a reçu ce succès à l’université de Dschang à l’époque ?
À l’époque, à l’université de Dschang, l’esprit n’était pas encore à célébrer les lauréats, à l’instar de ce qui se fait depuis quelques années. Mais, je sais quand même que j’ai eu l’occasion de recevoir, à l’occasion de la rentrée solennelle de l’année d’après, les félicitations du ministre de l’Enseignement supérieur et du Recteur de l’université de Dschang.
Quels conseils pouvez-vous donner à ceux qui voudraient se présenter à ce concours ?
Ils doivent savoir qu’on fait ce concours d’abord pour soi. Il n’y a rien à démontrer à qui que ce soit. Et après, il faut s’engager et sacrifier quelque chose à un moment donné. Il faut mettre de côté soit un peu de sa famille, soit un peu de ses engagements sociaux. Pour le reste, il faut se donner au moins deux années, entre la préparation des articles à publier, la préparation matérielle des travaux.
La première fois que vous avez siégé dans un jury de thèse de doctorat, c’était en décembre 2005, à l’occasion de la soutenance de René Njeufack Temgwa, aujourd’hui Maître de Conférences agrégé. Comment avez-vous ressenti cette expérience ?
C’est toujours une émotion de siéger pour la première fois dans un jury. Mais après, on siège tellement dans les jurys, qu’on ne se rappelle plus de l’émotion qu’on a ressentie la première fois.
Quel est votre agenda professionnel ?
J’ai deux ouvrages en chantier. L’un est plus ou moins avancé. J’ai également des contributions de colloque à finaliser. Il y a également des articles en instance qu’il est question de boucler. Il n’y a que du travail.
Propos recueillis par Hindrich ASSONGO
KALACK à NKENG Ismael
Je garde un très bon souvenir du Prof KALIEU « Yvi » du petit nom que nous lui avions donné à l’époque (2001-2006). J’ai particulièrement été touché par son cours « Introduction au droit » pour mes débuts et faculté de droit. Toute ma gratitude pour tout ce que vous m’avez apporté ainsi qu’à de nombreux camerounais. Bon vent « grand prof »