Mise en œuvre de la médiation financière au Congo : le dispositif réglementaire se consolide
Pr Yvette Rachel KALIEU ELONGO
Université de Dschang

 Par deux  arrêtés  n° 26585 du 26 novembre 2024 portant procédure de la médiation financière en République du Congo et  n° 26586 du 26 novembre 2024 portant procédure de désignation et attributions des médiateurs financiers en République du Congo, le processus de mise en oeuvre de la médiation  financière au Congo se consolide.

 Le premier arrêté a pour objet, à la suite du Décret n° 2024-86 du 28 février 2024 portant institution de la médiation financière, de fixer la procédure de la médiation alors que le second précise dans ses différents aspects, la procédure de désignation des médiateurs.

Pour ce qui est de la  procédure de médiation, il ressort du premier texte que  les médiateurs peuvent être saisis par toute personne physique ou morale d’un différend à caractère individuel l’opposant à un établissement de crédit, de microfinance, de paiement ou à une compagnie d’assurance relevant du champ de supervision de la COBAC ou de la CIMA. Cette saisine n’est pas recevable si le requérant ne justifie pas du recours préalable à la procédure de  réclamation écrite ou si le litige a déjà été examiné par un autre médiateur ou par un tribunal arbitral ou une juridiction nationale.

Concrètement,  la partie qui souhaite introduire une procédure de médiation financière communique par lettre simple ou par tout moyen laissant trace écrite, y compris par voie électronique aux médiateurs désignés par le CNEF, avec copie à l’autre partie, une demande de médiation datée et signée, accompagnée d’un certain nombre d’éléments et  qui précise la branche de la médiation – bancaire ou d’assurance.  Le médiateur ou son suppléant informe immédiatement par écrit les parties de la réception de la demande de médiation et leur demande  si elles désirent recourir à la médiation. Les parties disposent d’un délai de 15 jours pour confirmer ou infirmer le recours à la médiation. Si à l’expiration de ce délai, il n’y a aucune réponse, il ne peut y avoir médiation.

Lorsque la médiation est ouverte, les parties peuvent se faire représenter ou assister dans leurs réunions avec le médiateur.  Elles sont par ailleurs tenues de l’obligation de bonne foi  au cours de la procédure.

Le médiateur est libre de rencontrer séparément les parties et de s’entretenir avec elles. Il peut demander à chacune un exposé résumant le fondement du litige, ses intérêts, ses arguments au sujet du litige ainsi que tout autre renseignement et pièce qu’elle estime nécessaire aux fins de la médiation. A toute étape de la procédure, le médiateur peut demander à l’une ou l’autre partie des renseignements ou pièces complémentaires qu’il juge utiles. De même, une partie peut, à toute étape de la procédure, communiquer au médiateur, pour sa considération exclusive, des renseignements et pièces écrits qu’elle considère comme confidentiels.

 La durée de la médiation est de trois mois à compter du moment où les deux parties acceptent la procédure. Passé ce délai, la procédure est réputée non concluante. Toutefois, cette durée peut être prorogée de deux mois par le médiateur en cas de difficulté à résoudre le litige dans le délai imparti.

 Le médiateur doit respecter le caractère confidentiel de la procédure de médiation. Il ne peut utiliser ou révéler à un tiers aucun renseignement concernant cette procédure ou obtenu au cours de celle-ci. Il doit, avant de prendre part à la médiation, signer l’engagement de respecter le caractère confidentiel de la procédure.

 La procédure de médiation prend fin : à la signature d’un accord entre les parties réglant tout ou partie des questions en litige entre elles ; sur décision du médiateur s’il estime que la poursuite de la médiation n’est pas de nature à aboutir au règlement du litige; par une déclaration écrite d’une partie renonçant à la médiation à toute étape de la procédure  ou à l’expiration du délai de trois mois sauf prorogation.

 A l’issue de la procédure de médiation, sauf sur injonction d’une juridiction nationale ou autorisation écrite des parties, le médiateur ne peut, à aucun autre titre que celui de médiateur, intervenir dans une procédure judiciaire, arbitrale ou autre, en instance ou à venir, liée à la question en litige. Sauf en cas de faute grave, sa responsabilité n’est engagée à l’égard d’aucune partie pour aucun acte ou omission lié à une médiation conduite conformément aux dispositions réglementaires.

II. Relativement à la procédure de désignation des médiateurs financiers, elle est déclenchée par le CNEF dans le cadre d’un appel public à candidatures.

Des conditions  de diplôme et d’expérience professionnelle sont exigées. Elles sont variables selon qu’il s’agit de la branche médiation bancaire ou de la branche médiation des litiges d’assurance.

La composition du dossier de candidature est également fixée par l’arrêté. Le CNEF procède à l’examen des dossiers reçus et dresse une liste de trois candidats éligibles aux fonctions de médiateur titulaire et de médiateur suppléant pour l’une et l’autre branche de la médiation. Cette liste est transmise, pour approbation, par la COBAC pour la branche de la médiation bancaire et par la CIMA pour la branche de la médiation  d’assurance. La COBAC ou la CIMA approuve le choix du médiateur et de son suppléant sur la base de trois propositions de candidature transmises par le secrétaire général du CNEF. La COBAC et la CIMA  fondent leur appréciation  sur l’aptitude professionnelle des candidats, l’inexistence des conflits d’intérêts ou d’incompatibilités avec l’exercice de la fonction de médiateur ou de médiateur suppléant.  Elles peuvent,  si elles le  jugent  nécessaire, organiser un entretien avec le requérant.

Les médiateurs  sont nommés par arrêté de l’autorité monétaire, sur proposition du CNEF et après avis de la COBAC et de la CIMA, pour une période de trois  ans renouvelable une fois.

Relativement à leur mission, l’arrêté rappelle que les médiateurs financiers ont pour mission de favoriser le règlement amiable des litiges individuels qui naissent entre les établissements de crédit, de microfinance, de paiement ou les compagnies d’assurance et leur clientèle dans le domaine des services financiers. Cependant, il exclut de leur compétence les différends relatifs à la politique commerciale des services financiers (politique tarifaire, taux d’intérêt sur crédit, décision de refus de crédit, etc.). Toutefois, dans le cadre du traitement des réclamations, les médiateurs sont compétents pour vérifier les conditions de tarification et notamment leur conformité aux guides tarifaires de l’établissement, aux pratiques usuelles du secteur financier et aux règles édictées par les autorités de supervision et de contrôle compétentes en la matière.  Dans l’exercice de leur mission, les médiateurs peuvent interroger toute personne morale à même de les éclairer en particulier les autorités de contrôle et de supervision du secteur.

Institué depuis 2020 par le  Règlement COBAC R-2020/06 du 30 juillet 2020 relatif au traitement des réclamations des consommateurs, la médiation financière n’attend que d’être mise en œuvre pour le grand bien des clients des établissements de crédit, de microfinance, de paiement et des compagnies d’assurance. Les deux arrêtés signés par l’autorité monétaire nationale du Congo constituent assurément les pièces manquantes pour un déploiement effectif de la médiation. Les futurs candidats médiateurs peuvent déjà se tenir prêts.