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Quelques innovations de l’acte uniforme OHADA révisé portant organisation procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution

Quelques innovations de l’acte uniforme OHADA révisé portant organisation procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution

Pr Yvette Rachel KALIEU ELONGO
Université de Dschang

L’acte uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution vient de faire l’objet d’une révision importante. Cette révision de l’AUPRVE  est intervenue le 16 octobre 2023 soit 25 ans après l’adoption du texte initial. Elle a entraîné de nombreuses modifications dont certaines sont de pure forme et d’autres de fond. Elle a surtout donné lieu à diverses innovations pour tenir compte de certaines évolutions, prendre en compte la jurisprudence et certaines réalités des pays de l’OHADA qui n’avaient pas été intégrées dans le texte initial.  Parmi ces innovations,  il en a quelques-unes qui peuvent être considérées comme faisant partie des réformes majeures. Parmi elles, on peut citer :

  •  L’introduction d’un chapitre préliminaire consacré aux dispositions communes et qui comporte les définitions, les dispositions relatives à la forme des actes, à la signification de ces actes, aux délais, etc.  Il en ressort entre autres :
    • L’introduction du support électronique pour les actes de conservation et de recouvrement des créances. Sous réserve de remplir certaines conditions, le support électronique a une valeur égale à celle du support papier.
    • L’harmonisation de la forme des actes d’huissier
    • L’admission de la signification par voie électronique dans les conditions fixées par l’acte uniforme
    • Le principe pas de nullité sans texte est posé pour les vices de forme sauf s’il s’agit des formalités substantielles ou d’ordre public. Lorsque la nullité est admise, il faudra néanmoins que la preuve d’un grief soit apportée par le demandeur à a nullité.
  • L’introduction des dispositions propres  la saisie conservatoire et à la saisie vente du bétail. Au terme de l’article 1-1 AUPRVE,  le bétail est défini comme un ensemble d’animaux élevés dans une ferme ou dans le cadre d’une exploitation ou en transhumance et, de manière générale, des animaux ayant une valeur marchande, à l’exception des animaux de compagnie. En cas de saisie conservatoire, le débiteur conserve l’usage du bétail rendu indisponible par la saisie. Toutefois, la juridiction compétente peut ordonner sur requête, à tout moment, même avant le début des opérations de saisie, et après avoir entendu les parties, la remise d’un ou plusieurs animaux à un séquestre qu’il désigne. La saisie peut être convertie en saisie vente dans les conditions fixées par l’AUPSRVE.
  • En cas  de saisie vente de bétail, peuvent également être saisis et enlevés les pailles, fourrages et grains nécessaires pour la litière et la nourriture du bétail saisi . La saisie s’étend au croit, au laitage et au fumier.  Le bétail saisi est indisponible. Le débiteur, comme le gardien, ne peut l’aliéner ni le déplacer, sauf pour le pâturage, sans en avertir l’huissier de justice ou l’autorité chargée de l’exécution. La vente du bétail saisi se fait soit au lieu où sont gardés les animaux soit au lieu du marché public le plus proche où se trouvent les animaux
  • L’introduction des dispositions relatives à la saisie conservatoire des biens meubles corporels – y compris les sommes d’argent – placés dans un coffre-fort appartenant à un tiers. On pense par exemple ici aux coffres forts détenus dans les établissements de crédit ou les établissements bancaires et assimilés.  En cas de saisie, l’accès au coffre – fort n’est plus possible qu’en présence de l’ huissier de justice qui a  procédé à la saisie mais il y a aussi  possibilité d’apposition des scellés. Les conditions d’ouverture du coffre – fort après scellé sont précisées.
  • L’extension de la saisie des droits d’associés et valeurs mobilières aux autres titres de créances négociables. La loi ne définit pas et n’énumère pas les  autres  titres  de  créance négociables. Selon la définition restrictive donnée par les textes tels que le Règlement CEMAC du 27 mars 2015 relatif au marché des titres de créance négociables, les titres de créances négociables (TCN) sont de titres financiers émis au gré de l’émetteur, négociables sur un marché réglementé ou de gré à gré, qui représentent chacun un droit de créance pour une durée déterminée et qui portent intérêt. Ils font l’objet d’une inscription en compte auprès d’un intermédiaire financier. Il s’agit des certificats de dépôt, des billets de trésorerie et des bons à moyen terme négociables. Mais en parlant des autres titres de créance négociables et non des titres de créances négociables  il semble que l’esprit des rédacteurs de l’acte uniforme n’est pas de limiter la saisie aux TCN dont la liste est limitativement énumérée mais à tous les autres titres financiers en général. On pense par exemple aux titres de la fiance islamique désormais réglementés en droit UEMOA par exemple.
  • L’extension de la saisie des créances aux créances représentant un avoir en monnaie numérique. L’acte uniforme révisé définit la monnaie électronique comme une valeur monétaire représentant une créance sur l’établissement émetteur, stockée ou incorporée sous forme électronique, émise contre remise de fonds, qui peut être utilisée ou qui est acceptée pour effectuer des paiements à des personnes autres que l’émetteur, sans faire intervenir des comptes bancaires dans la transaction. Cette extension permet notamment la saisie des sommes logées dans les comptes de paiement dits comptes mobiles et qui constituent des créances des titulaires de compte  contre  les établissement de paiement ou les établissements de  monnaie électronique teneurs de ces comptes.
  • L’introduction de dispositions propres à la saisie du fonds de commerce. Le fonds de commerce, meuble incorporel de nature spécifique, peut faire désormais l’objet d’une saisie qui prend en compte sa nature particulière. Cette saisie porte sur les éléments obligatoires  du fonds de commerce tels que énumérés par l’AUDCG ( clientèle, nom commercial ou enseigne ) et sur  les éléments facultatifs lorsqu’il en existe. La saisie rend le fonds de commerce indisponible. Il ne peut dès lors être ni aliéné, ni  grevé de charges. Il en est de même pour  ses différents éléments. Toutefois, l’exploitation du fonds peut être poursuivie. En cas de saisie,  le locataire gérant doit verser les redevances à un séquestre. La vente sera faite ensuite à l’amiable ou aux enchères si la vente amiable n’intervient pas dans un délai de 15 jours. Cette vente a lieu devant la juridiction compétente du lieu d’exploitation du fonds de commerce.

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  1. Tamundel

    Ce sont les bonnes innovations, surtout sur la saisie du bétail

  2. Très intéressant. Je vous exprime mes sentiments de haute estime pour cette œuvre. Moi même étant en train de rédiger un article sur les innovations apportées par cet Acte uniforme. Je me permets de vous solliciter pour une œuvre commune.
    Sincèrement bravo!

    • Kalieu

      Merci. Vous pouvez m’écrire par mon adresse de contact pour qu’on discute davantage.

  3. NDONGMO TABI Léonelle

    Merci beaucoup Professeur pour cet article qui nous permet d’avoir un aperçu du nouvel AUPSRVE.

  4. Rimbarngaye Bessadingar

    J’apprécie vraiment votre article professeur et j’aimerais vraiment suivre les actualités sur le droit ohada d’une manière particulière et le droit d’une manière générale, j’ai commencé à suivre votre page dès que j’étais encore au Tchad avant de me déplacer pour dschang, vous êtes une enseignante extraordinaire.

  5. Flaubert Mbainoudji

    C’est avec une immense joie que j’ai pu consulter votre article pour mes recherches.
    Je vous avoue que cet article m’a été d’une précieuse aide de ce que je cherche.
    Merci pour votre travail cher Professeur.

  6. Mirande djouohou

    Merci pour ce travail professeur , très intéressant
    J’aimerai savoir si la saisie du fonds de commerce ne peut se faire seulement en cas de location gérance. Ne peut elle pas se faire lorsque l’exploitation de celui-ci est encore entre les mains de son propriétaire (bailleur du fonds)

  7. Adam BATOU

    Vraiment merci beaucoup madame le professeur pour cet article très intéressant surtout pour un juriste d’affaires en devenir que je suis.

  8. MBOUMBA

    Bonjour Chère Professeure,

    Votre article nous donne un aperçu sur quelques innovations apportées par l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.

    En complément, nous pourrons l’améliorer en examinant d’une part, les modifications apportées par la réforme sur la décision portant injonction de payer qui devient l’ordonnance d’injonction de payer, les délais d’apposition et du prononcé de cette ordonnance, et d’autres part, en précisant la matière de saisie immobilière qui a connu quelques modifications sur le recours.

    Merci à vous professeure !

    • kalieu

      Merci beaucoup . Vous pouvez faire un petit billet sur ces éléments que je publierai volontiers sur le blog avec votre signature. Merci d’avance

  9. Patrick TSHIAYIMA

    Vous m’avez toujours fasciné par votre plume. Je suis un de vos fidèles lecteurs surtout dans les entreprises en difficulté !!!
    Et j’aimerai bien vous rencontrer un jour.

    Félicitations pour cette énième œuvre qui reste un cadeau pour le monde scientifique.

  10. NKOUNKOU-BIKOUTA Fred Junior

    Professeur c’est toujours un plaisir de lire vos études et celui-ci en particulier.
    J’apprends énormément de vos travaux qui m’ont d’ailleurs permis de produire un excellent mémoire de fin de cycle master en droit des affaires.

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