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Le traitement des incidents de paiement sur le chèque selon la législation bancaire UEMOA

Le traitement des incidents de paiement sur le chèque selon la législation bancaire UEMOA

Par TOURE Abdoulaye Amara,

Juriste de Banque, Mali

On entend par incident de paiement sur chèque, le non-paiement de tout chèque. Selon l’article 114 du règlement 15/2002/CM/UEMOA, deux motifs déclenchent la procédure d’impayé : Le défaut de provision ou l’insuffisance de provision, En cas d’incident de paiement, il existe deux mécanismes : celui mis en place par les banques et celui mis en place par la banque centrale.

  • MECANISME MIS EN PLACE PAR LA BANQUE
  • La procédure d’incident de paiement sur chèque  
  • Le rejet du chèque pour défaut de provision ou insuffisance de provision :

Selon l’article 114 du règlement numéro 15, le banquier tiré, qui a refusé le paiement d’un chèque pour absence  ou insuffisance provision doit :

    1. Il doit d’abord enregistré l’incident  paiement sur les livres de la banque,
    1. Ensuite délivrer une attestation de rejet (voir annexe II-1 de l’instruction numéro 009/07/RSP/2010 le modèle) au porteur du chèque en précisant dans le contenu le motif du rejet(114) ;
    1. La banque doit aussi avertir par lettre écrite le titulaire du compte, à frais si on le veut bien, qu’il a un délai de 30 jours pour régulariser cet incident, mais aussi les mandataires et les co-titulaires de cet avertissement adressé au client avec les conséquences qui en découlent (art114 al3)
  1. Enfin informer la BCEAO de l’avertissement en lui envoyant la copie de la lettre à titre d’information et, qui doit inscrire cet avertissement sur le fichier des incidents de paiement (114 al3).
  • La régularisation de l’incident par le client dans le délai de 30 jours imparti
  • La banque délivre une attestation de paiement au tireur si :
    • Le titulaire du compte régularise l’incident et  apporte la preuve qu’elle a pris les dispositions pour régler le montant du chèque impayé. Ce qui revient à dire que la personne interdite peut s’acquitter directement entre les mains du porteur de chèque ou de la dette. Donc, le fait pour le tireur(interdit) d’avoir à sa disposition le chèque objet de l’incident de paiement et, de remettre à la banque fait présumer sa libération à l’égard du porteur.
  • Le  titulaire du compte doit constituer  la provision suffisante sur le compte et affectée au paiement du chèque impayé par le tiré. Il s’agit de mettre à la disposition de la banque les fonds nécessaires pour lui permettre de procéder au règlement du chèque. Autrement dit, que la provision est suffisante c’est-à-dire de montant égal à celui du chèque, elle doit être disponible donc immédiatement utilisable en vue au paiement du chèque,  et que la provision ainsi constituée est spécialement affectée au paiement du chèque impayé par la banque. Ces précisions permettront d’éviter que le montant sur le compte puisse servir au paiement d’autres chèques présentés pendant la période de régularisation.
  1. La banque avise par écrit la BCEAO de la régularisation et demande l’effacement de l’avertissement de son fichier.
  2. La banque informe également les mandataires et les co-titulaires en donnant la copie de la lettre de l’effacement adressée à la banque centrale.

La sanction du non-paiement :

  • Absence de régularisation dans le délai :

En absence de régularisation dans le délai 30 jours prévu par l’article 114, le banquier délivre un certificat de non-paiement au porteur du chèque. Et doit aussi signifier au client qu’il est interdit d’émettre des chèques sur 5 ans en qualité du titulaire du compte et non mandataire(article 116). La banque doit ensuite aviser la BCEAO de l’incident le 4ème  jour ouvrable suivant la date d’expiration du délai ou le deuxième jour ouvré suivant l’incident (article 115). Cette interdiction bien qu’elle ne concerne que le titulaire du compte, à des effets à l’égard du mandataire mais sur ce seul compte (116). Dans le même temps, la banque doit enjoindre au titulaire du compte (client) de restituer à toutes les banques dont il est client, les formules de chèque en possession et  celle de ses mandataires. L’interdiction bancaire et injonction de restitution de tous les co-titulaires sur tous les comptes sauf s’ils ont désigné un co-titulaire pour être interdit bancaire sur tous ses comptes. Et dans ce cas les autres co-titulaires ne sont interdits que sur le seul compte sur lequel a été enregistré l’incident(117). De même en cas de clôture du compte, si la banque ne le fait pas, elle sera obligée de payer tous les chèques qui seront émis ultérieurement qu’importe par ailleurs le solde du compte, ce qui est très lourd pour la banque et pour l’employé qui gère l’incident.

Lorsque la lettre d’avertissement n’a pas été envoyée en application de l’article 114 al2 du règlement, la banque doit aviser la BCEAO au plus tard le 2ème ouvré suivant l’enregistrement de l’incident. Et la banque a une obligation de diligence relative à la signification de l’interdiction bancaire d’émettre des chèques et l’injonction de restitution des formules de chèques au titulaire de compte.

  • Le règlement postérieur de l’incident de paiement :

Le titulaire du compte recouvre la faculté d’émettre des chèques, lorsqu’il justifie avoir :

    • Réglé le montant du chèque impayé ou constitué la provision suffisante et disponible à son règlement par la banque,
  • Payé les pénalités libératoires dans les conditions par les articles 119 et 121.

Ainsi, la banque délivre une attestation de paiement sur la demande du client et tire la levée de l’interdiction bancaire(118).

  • LE MECANISME MIS EN PLACE PAR LA BANQUE CENTRALE :

     L’article 127 du règlement numéro 15/CM/UEMOA  met à la charge de la BCEAO l’obligation de centraliser et de diffuser les infractions relatives aux incidents de paiements. La mise en œuvre de cette disposition est à la base de la Centralisation des Incidents de Paiements(CIP) ainsi que les procédures d’accès aux fichiers par les établissements déclarants et le public.

Le CIP-UEMOA est un système de gestion des informations relatives aux instruments de paiement émis dans l’Union définies aux articles 8 et 10 de la présente instruction. La centralisation des incidents de paiement(CIP) est régie par le règlement numéro 15/CM/UEMOA, relatif aux systèmes de paiement, la loi uniforme sur les infractions en matière de chèque, de carte et autres procédés de paiement ainsi que l’instruction numéro 009/07/RSP/2010 relative au dispositif de centralisation et diffusion des incidents de paiement.

Ainsi le dispositif de centralisation mise en place par la BCEAO doit être étudié à travers son organisation(A) et son fonctionnement(B).

A)-L’organisation du CIP

La Centralisation des Incidents de Paiement(CIP) est un dispositif de centralisation et de diffusion des informations concernant les incidents de paiement sur les instruments de paiement, notamment les chèques objet de notre formation, les billets à ordres, les lettres de change et cartes bancaires. Compte tenu du caractère sous régional de la BCEAO, nous allons voir la procédure de centralisation des informations dans le fichier  national (1) et conditions d’accès et de consultation(2).

  • Le fichier national de centralisation des incidents de paiements

La base légale du dispositif de centralisation est fixée par les articles 127,241 et 242 du règlement numéro 15/2002/CM/UEMOA :

-Le FICOB, qui est le  fichier des comptes bancaires, recense l’ensemble des comptes de dépôts à vue chez les établissements déclarants (banques, CCP, Trésor) et les cartes bancaires, il recense aussi les ouvertures et clôtures de compte.

– Le FCC est le fichier de centralisation des incidents de paiement par chèque, des interdits bancaires et judiciaires d’émettre des chèques, des décisions de retrait de paiement, ainsi que les décisions de levée d’interdiction bancaire et judiciaire.

-FCFI qui est le fichier de centralisation des cartes et chèques irréguliers recensant : les coordonnées bancaires et judiciaires des interdits, les comptes clôturés, les chèques volés ou perdus, les cartes volés ou perdues, les faux chèques et les fausses cartes. Ce fichier est réservé exclusivement en consultation aux personnes physiques ou morales qui reçoivent un titre de paiement pour s’assurer de la régularité du paiement. En effet, le règlement fait obligation aux établissements de crédit de déclarer sous huitaine à la banque Centrale toute ouverture de compte, de clôture de compte, individuel ou collectif au nom de toute personne physique ou morale.

2L’accès et consultation au CIP-UEMOA

Les banques, les services financiers de la postes, les trésors publics et tout autre organisme dûment habilité conforment aux dispositions de la Loi portant règlement bancaire, à exercer les activités de banque ou d’Etablissement financier à caractère bancaire dénommés Etablissements Teneurs de Comptes(ETC) accèdent au CIP-UEMOA via le réseau d’accès de la BCEAO avec un code et un mot de passe fournis par  la BCEAO.

Le parquet des Etats Membres de l’UEMOA accède via internet avec un code d’accès et mot de passe fournis par la BCEAO (article 4 de l’instruction 009/07/RSP/2010). Et les déclarations d’informations se font par téléchargement de fichiers plats ou en ligne (article 8 de l’instruction cité plus haut). Ainsi, selon le mode d’accès et, avant toute délivrance de  formule de chèque à un client, afin de s’assurer que la personne ne fait pas l’objet d’une interdiction bancaire ou judiciaire d’émettre de chèques. Les ETC peuvent consulter la CIP-UEMOA :

    • En vue de participer à la gestion des homonymies,
  • Avant d’accorder un financement ou une ouverture de crédit à un client.

3Les déclarations incombant aux Etablissements Teneurs de Comptes:

En vertu des dispositions des articles 114,118,127, 140,235,239 et 240, les Etablissements Teneurs de Comptes sont tenus de déclarer aux CIP-UEMOA :

    • Les ouvertures et clôtures de compte auxquels sont adossés des instruments de paiements (compte chèque, compte épargne avec carte de paiement interbancaire,
    • Le refus de paiement de chèques pour défaut ou insuffisance de provision,
    • Les avertissements adressés aux titulaires de compte qui ont émis des chèques sans provision,
    • Les émissions de chèques sans provisions ;
    • L’utilisation de chèques ou cartes volées
    • Les émissions de chèques sur un compte clôture ;
    • L’émission de chèques par un interdit de chéquier (interdit bancaire ou judiciaire) ;
    • Les remises et retraits de cartes de paiement aux clients par les établissements de crédits ;
    • Les incidents sur les cartes bancaires (utilisation abusive, vol, perte) ;
    • L’utilisation des cartes interbancaires par un interdit bancaire ou judiciaire.
    • Les rejets des effets de commerce pour défaut ou insuffisance de provision ;
    • Les effets de commerce domiciliés sur un compte ou faisant l’objet d’une opposition.
    • Les avertissements adressés aux titulaires de comptes qui ont émis des chèques sans provision ;
    • Les régularisations d’incidents de paiement sur chèque ;
  • Les levées des interdictions bancaires et judiciaires d’émettre des chèques.

B)-Le fonctionnement du CIP

Pour que cette centralisation de l’information soit efficace, le règlement numéro 15/2002/CM/UEMOA, assigne un rôle à chacun des acteurs intéressés notamment la Banque Centrale(2) et les établissements de crédit(1).

  • Les obligations à la charge des établissements  teneurs de compte(ETC)
  • En cas de rejet de chèque

L’ETC qui refuse le paiement d’un chèque selon l’article 114 du règlement 15 pour insuffisance ou défaut de provision doit :

  • Si le compte n’a enregistré aucun incident dans les (3) mois précédant le refus de paiement :
    • délivrer au bénéficiaire du chèque, une attestation de rejet conforme au modèle indiqué à l’annexe II .1 de la présente instruction,
    • enregistrer sur ses livres l’incident,
    • adresser au titulaire du compte, une lettre d’avertissement conforme au modèle indiqué à l’annexe II.2 de l’instruction.
  • Déclarer l’incident à la CIP-UEMAO.

– Si le compte a enregistré au moins un(1) incident dans les 3 mois précédant le refus de paiement, l’ETC doit accomplir les diligences prévues à l’article 19 de l’instruction.

  • En cas de non régularisation

Selon les dispositions des articles 115 et 123 du règlement 15, l’ETC tiré qui a refusé le paiement d’un chèque pour insuffisance ou défaut de provision doit, passé le délai de 30 jours, si l’émetteur du chèque n’a pas régularisé en réglant le montant du chèque impayé ou en constituant une provision  suffisante et disponible destinés au règlement :

    • Délivrer au bénéficiaire du chèque, un certificat de non-paiement conformément au modèle indiqué à l’annexe III.5 de l’instruction,
    • Adresser au titulaire du compte, une lettre d’injonction de conforme au modèle indiqué à l’annexe II.3
    • Adresser aux mandataires du titulaire du compte, une lettre d’information conforme au modèle indiqué à l’annexe II.4
  • Déclarer l’incident à la CIP-UEMOA.

c)En cas de régularisation l’incident dans le délai

Selon l’article 18 règlement 15/CM/UEMOA, lorsque l’émetteur d’un chèque impayé régularise l’incident avant l’expiration du délai de 30 jours prévu, l’ETC tiré doit :

    • Délivrer à l’émetteur du chèque une attestation de paiement conforme au modèle indiqué à l’annexe II.6
  • Déclarer  la régularisation au CIP-UEMAO l’incident
  • La BCEAO

La BCEAO comme le rappelle l’article 121 du règlement numéro 15/2002/CM/UEMOA est chargé de centraliser et de diffuser les informations relatives :

    • Aux interdictions bancaires et judiciaires d’émettre des chèques ainsi qu’aux infractions sur ces mêmes interdictions
    • Aux levées d’interdictions d’émettre des chèques ;
    • Aux formules de chèques perdues ou volées ;
  • Aux formules de faux chèques et de comptes clôturés.

La communication de l’information peut être faite soit d’office, soit par requête. La Banque Centrale communique les informations collectées aux établissements de crédit, au Procureur de la République, aux magistrats et officiers de police judiciaire sur instruction du procureur  ou juge d’instruction selon l’article 129 du règlement numéro 15/2002/CM/UEMOA. En plus de cette communication d’informations, la BCEAO est tenue d’informer les établissements de crédit des mesures d’interdictions bancaire et judiciaire concernant certaines personnes dont ils tiennent leur compte. Ce qui permet aux banques d’appliquer les mesures d’interdiction prises ou cesser de le faire si ces mesures ont fini par être levées. En plus des établissements et tribunaux, la possibilité est donnée au public d’accéder aux informations contenues dans la CIP. Cet accès est prévu par l’article 15 de l’instruction 009/07/RSP cité plus haut et l’article 129 al 7 du règlement numéro 15/2002/CM/UEMOA.

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  1. Très instructif pour un banquier

  2. MAHAMANE MAKADAH Ibrahim

    Bonjour
    J’ai trouvé cet article très instructif pour le juriste spécialisé en banque que je suis. Il cadre parfaitement avec mes centres d’intérêt.
    Merci prof ELONGO d’avoir partagé cet article de TOURE que je connais bien.

    • Kalieu Yvette

      Merci aussi pour l’intérêt accordé à ce modeste site. Nous accueillerons avec plaisir d’autres contributions à partager.

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