Le Droit des affaires en mouvement

Réglementation des crypto monnaies dans la CEMAC : Brèves remarques sur  la décision COBAC D-2022 -071 du 6 mai 2022 relative à la détention, l’utilisation, l’échange et la conversion des cryptomonnaies ou cryptoactifs par les établissements assujettis à la COBAC

Réglementation des crypto monnaies dans la CEMAC : Brèves remarques sur  la décision COBAC D-2022 -071 du 6 mai 2022 relative à la détention, l’utilisation, l’échange et la conversion des cryptomonnaies ou cryptoactifs par les établissements assujettis à la COBAC

Pr KALIEU ELONGO Yvette Rachel
Université de Dschang

La Commission Bancaire de l’Afrique Centrale a pris il y a quelques jours une décision importante relativement aux cryptomonnaies. Au-delà de ce qu’elle est intervenue dans un contexte particulier, cette décision appelle,  sur le plan strictement juridique, quelques observations.

Il faut préciser en premier lieu qu’il ne s’agit pas encore d’une réglementation véritable des  cryptomonnaies ou des cryptoactifs par la CEMAC même si cette décision  la préfigure.  Il ne s’agit que d’une décision adressée aux établissements assujettis à la COBAC que sont les établissements de crédit, les établissements de microfinance et les établissements de paiement régis par la COBAC depuis 2018. Ces établissements sont tous soumis à la COBAC en ce que c’est à la Commission bancaire que revient le pouvoir de veiller à leur bon fonctionnement et de sanctionner les manquements éventuels. Il ne s’agit donc pas d’un règlement.

 Il ne s’agit donc pas d’un règlement. En droit communautaire CEMAC une décision est une mesure à portée individuelle et obligatoire en tous ses éléments mais  uniquement pour les destinataires qu’elle désigne alors que le règlement est une mesure de portée générale obligatoire dans tous ses éléments et applicable dans tout Etat membre. Ainsi, la  décision  du 6 mai 2022 ne lie pas, les personnes physiques ou morales de l’espace CEMAC, qui peuvent par exemple continuer à détenir et utiliser les cryptomonnaies via les différentes plateformes dédiées situées pour la plupart hors de la CEMAC. Toutefois la décision emporte indirectement des effets sur les autres membres de la communauté.  Ainsi un détenteur de bitcoin résidant dans l’espace CEMAC ne pourra plus obtenir directement la conversion de cette monnaie en devises locales. Il devra par exemple faire une conversion en une devise émise par une banque centrale et admise dans la CEMAC avant de faire dans un second temps une conversion en francs CFA.

En second lieu, il faut noter qu’il s’agit d’une décision de la COBAC et non de la BEAC. Or, s’agissant de questions touchant à la monnaie, elles relèvent en priorité du domaine de compétence de la BEAC qui a entre autres, le privilège d’émission de la monnaie dans la CEMAC. Il peut paraitre  surprenant que la COBAC soit intervenue en premier lieu.  La décision prise par la Commission n’est toutefois pas exclusive d’une intervention ultérieure de la BEAC.

Dans le fond, il résulte de la décision que la COBAC a pris certaines positions par rapport aux cryptomonnaies et dans une certaine mesure aux cryptoactifs. Ces positions sont justifiées par les risques liés aux cryptomonnaies. Certes, ces risques ne leur sont pas propres tels que le blanchiment des capitaux ou l’évasion fiscale mais ils peuvent être aggravés au regard des mécanismes et techniques propres à ces monnaies ou actifs  virtuels.

Il résulte de cette décision que pour la COBAC :

  • Les  cryptomonnaies ne sont pas des moyens de paiement  non seulement parce qu’ils ne sont pas énumérés par le Règlement relatif aux moyens, systèmes et incidents de paiement mais aussi  parce qu’ils ne sont pas réglementés.
  • Les cryptomonnaies ne sont pas des devises au sens de la réglementation comptable applicable aux établissements assujettis car elles ne constituent  pas des monnaies au sens classique puisque non émises par la Banque Centrale et en l’espèce la BEAC. En zone CEMAC,  les seules devises admises sont le franc CFA ou les devises émises par d’autres banques centrales.

Partant de là, la COBAC interdit aux établissements assujettis d’intervenir de quelque manière que ce soit pour leur compte ou le compte de tiers dans les transactions relatives aux cryptomonnaies  qu’il s’agisse de l’acquisition, de la détention,  du transfert ou de conversion des cryptoactifs en général et du cryptomonnaies  en particulier. Il leur est interdit également de tenir des comptabilités en cryptomonnaies ou encore de les traiter comme éléments d’actif ou de passif par exemple. Par ailleurs, la COBAC met à la charge des assujettis, l’obligation de mettre en place des mesures de contrôle interne afin de détecter les opérations liées aux cryptomonnaies et d’en informer la Commission et la BEAC.

 La position de la COBAC est désormais claire par rapport aux cryptomonnaies. Tout en se prononçant sur cette monnaie digitale, la COBAC est restée dans son rôle à savoir assurer à travers la surveillance sur les établissements assujettis, le maintien de la stabilité financière et la préservation des dépôts de la clientèle. Prudence est mère de sûreté.

Précédent

Réforme de la loi camerounaise sur le secret bancaire

Suivant

Médiation bancaire CEMAC  et médiation OHADA :  quelques éléments de comparais

  1. Alamine

    Bonjour Pr. Merci de toujours nous enrichir par vos interventions. Juste une préoccupation au sujet de la RCA qui a selon certaines informations à pris les devants en adoptant le bitcoin comme une monnaie parallèle au Fcfa. Il me semble que lorsque vous parlez du contexte particulier de cette desicion vous y faite allusion…Est ce que cette desicion intervient aussi à titre de mise en garde aux établissements assujettis de la Rca en particulier ? Et quelles sont les sanctions encourues en cas de violations de cette desicion pour ces établissements mais aussi pour l’Etat centrafricain qui méconnaît les dispositions conventionnelles en matière d’émission monétaire ?

    • Kalieu Yvette

      Les sanctions prévues pour les établissements sont toutes les sanctions que la COBAC peut prononcées sanctions disciplinaires ou pécuniaires. Pour l Etat on peut mettre en oeuvre la procédure de recours en manquement d’Etat prévue par le Traité CEMAC révisé de 2009

  2. Djasnan

    Toujours disponible.

  3. Gédéon DJÉRASSEM

    Bonjour professeur, le fait pour la COBAC de prendre des sanctions postérieures faces contre la détention, l’utilisation, l’échange et la conversion des cryptomonnaies ou crypto-actifs constitue-t-elle une défaillance ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén