Pas d’infraction de blanchiment des capitaux en l’absence de caractérisation de l’origine frauduleuse des biens  (Cour suprême du Bénin, Arrêt n° 2023-78/CJ-P  du 29 août 2024)

Pr Yvette Rachel KALIEU ELONGO, Université de Dschang

La lutte contre le blanchiment des capitaux s’est visiblement renforcée ces dernières années en Afrique y compris dans les pays de l’espace UEMOA  avec notamment l’adoption de la Loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive dans les Etats membres de l’UMOA issue de la Décision n°04/31/03/2023/CM/UMOA du 31 mars 2023 portant adoption du projet de Loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive dans les Etats membres de l’UMOA déjà adopté par plusieurs Etats.

Mais on pouvait douter de l’effectivité de cette lutte en l’absence de décisions rendues en la matière. La présente décision de la Cour suprême du Bénin rendue par une  haute juridiction  permet de constater l’effectivité de la mise en œuvre du droit du blanchiment des capitaux devant le juge.

Suite au constat d’importants mouvements de fonds sur plusieurs de ses comptes et celui de certains membres de sa famille, une procédure a été ouverte contre un usager  A la suite de celle-ci il a été condamné partiellement  pour blanchiment des capitaux. Mais la décision de la Cour d’appel a  fait l’objet du pourvoi en cassation objet de la présente décision.  

 Les juges décident dans cette affaire que la Cour d’appel ne pouvait se fonder sur une fraude fiscale à laquelle l’administration fiscale n’avait pas conclu lors du contrôle sur pièces  effectué sur les comptes d’un usager pour retenir à la charge de ce dernier l’infraction de blanchiment de capitaux et ce, sans établir ou caractériser l’origine frauduleuse ou illicite des fonds suspectés comme avoir été blanchis.  En effet, le demandeur au pourvoi avait  indiqué avec précision, l’objet des diverses opérations et avait produit des pièces non démenties par l’instruction et justifiant de l’origine licite et régulière des revenus ou flux financiers suspectés, relatifs aux comptes dont il est signataire.  Par ailleurs,  l’administration fiscale avait délivré  des attestations de régularité fiscale au demandeur au pourvoi.

De tout ceci,  il ressort que l’origine frauduleuse des fonds ayant pas été établie, il ne pouvait y avoir blanchiment des capitaux.

Les juges suprêmes rappellent ainsi sans détour que l’infraction de blanchiment des capitaux est une infraction de conséquence et qu’il ne peut y avoir  blanchiment de capitaux lorsque l’infraction principale, en l’espèce la fraude fiscale n’est pas étable.