La médiation  en droit des marchés financiers de la CEMAC

Pr Yvette KALIEU ELONGO
Université de Dschang

La médiation, on le sait, a désormais le vent en poupe comme les autres modes alternatifs de règlement des différends. C’est donc à juste titre qu’il est de plus en plus réglementé. Le droit OHADA lui a consacré un acte uniforme. Mais on retrouve aussi des dispositions spécifiques dans d’autres textes.

C’est le cas en droit bancaire de la CEMAC avec la médiation en matière de litiges opposant les consommateurs aux établissements de crédit et de microfinance ; c’est aussi désormais le en des marchés financiers de la CEMAC où le législateur communautaire a prévu et organisé la médiation de la COSUMAF ( Commission de Surveillance des Marchés Financiers de l’Afrique Centrale ) pour ce qui concerne les litiges relevant de la compétence de cet organe.

L’article 37 du Règlement n°01/22/CEMAC/UMAC/CM/COSUMAF du 21 juillet 2022 portant organisation et fonctionnement du marché financier de la CEMAC pose le principe de la médiation en prévoyant que parm les différents pouvoirs de la COSUMAF, celle-ci dispose d’un pouvoir de médiation. Le Règlement Général de la COSUMAF adopté en mai 2023 comporte pour sa part, des règles qui organisent de manière plus précise cette médiation. Ainsi, l’article 80 prévoit que  lorsque la COSUMAF dans sa fonction de médiation, est saisi d’un différend qui relève de sa compétence,  elle désigne un membre du Collège en qualité de Médiateur avec pour rôle de trouver une résolution amiable au litige. Contrairement au droit commun de la médiation OHADA, les parties n’ont donc pas le libre choix du médiateur parmi les membres du collège. Le recours à la médiation doit en principe être accepté par les différentes parties au litige même si une clause préalable de médiation n’est pas nécessaire.

 La saisine de la COSUMAF et la désignation d’un médiateur suspend la prescription de l’action civile et administrative à compter du jour de la saisine. La prescription  court à nouveau lorsque la médiation est terminée. Pour cette saisine et pendant tout le processus de médiation, les parties peuvent se faire assister ou représenter par un conseil ou un tiers de leur choix.

 Pour ce qui est du déroulement de la médiation, le médiateur procède à l’audition des parties et traite les dossiers qui lui sont soumis en toute neutralité. Son avis est rendu dans un délai de soixante jours à compter de la réception de tous les éléments du dossier communiqués par les parties. Ce délai peut être prolongé par le médiateur lorsque des investigations complémentaires sont jugées utiles ou en cas de complexité du litige. Comme en droit OHADA, le médiateur et les parties au litige sont soumis au devoir de confidentialité. Après avoir terminé ses diligences, le médiateur rend un avis motivé dans lequel il propose une solution au litige. Mais son avis  ne s’impose pas aux parties qui peuvent refuser de le suivre. L’homologation de l’accord ou son dépôt au rang des minutes d’un notaire ne sont  pas prévus mais, à notre sens, rien n’interdit les parties d’y recourir. En cas d’accord des parties sur la solution proposée, la mission du médiateur ne prend pas fin puisqu’il est tenu de veiller à l’exécution de l’accord. Par ailleurs, le médiateur doit  rendre compte au Collège de la COSUMAF du déroulement de sa mission et des résultats obtenus. La médiation de la COSUMAF est gratuite pour les parties.

A côté du droit commun de la médiation qui reste ouvert aux parties, le droit des marchés financiers de la CEMAC offre donc la possibilité de recourir à la médiation de la COSUMAF. On peut toutefois se demander si cette médiation sera suffisamment attractive dès lors que cet organe assume déjà d’autres fonctions qui peuvent faire douter de l’indépendance du médiateur d’autant plus que celui-ci n’est pas choisi par les parties. Or, on sait que le libre choix du médiateur participe fortement de l’efficacité de ce mode alternatif de règlement des litiges.