A propos du Répertoire national des sûretés mobilières

Par Pr Yvette KALIEU ELONGO ( Université de Dschang)

On connaissait le Registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM)  OHADA, il faudra désormais s’habituer, au Cameroun, au Répertoire national des sûretés mobilières (RNSM) institué par l’Arrêté du Ministre des Finances en date du 10 octobre 2018.

Le texte est relativement bref. Il comporte juste une quinzaine de dispositions réparties en en quatre chapitres : dispositions générales, organisation et  fonctionnement du RNSM, sanctions et enfin dispositions diverses, transitoires et finales.

Le RNSM tel que mis en place, peut apparaître comme une curiosité dans le paysage juridique des sûretés au Cameroun surtout depuis qu’a été engagée l’uniformisation du droit des sûretés et partant la centralisation des inscriptions des sûretés par le droit OHADA.

Au-delà de la curiosité, le RNSM suscite des interrogations quant à son fonctionnement.

  1. Le fonctionnement du RNSM

Le RNSM est une base de données essentiellement numérique qui vise la centralisation des sûretés mobilières. Son fonctionnement  fait intervenir principalement 2 acteurs : le Conseil National du Crédit et les établissements assujettis.

Le premier est un organe consultatif en matière bancaire. Il est chargé de centraliser l’inscription des sûretés. Les seconds sont tenus de déclarer les sûretés mobilières qui leur sont consenties dans le cadre des opérations de crédit qu’ils consentent.  Ces informations peuvent ensuite être rendues accessibles pour toutes les personnes intéressées.

La déclaration doit se faire dans les 48 h de l’obtention ou de la constitution de la sûreté. Elle doit également intervenir, dans le même délai,  en cas de modification ou de radiation de la sûreté sinon des sanctions peuvent être prononcées. La principale sanction prévue en cas d’omission, de refus de déclaration ou de déclarations fausses, inexactes ou erronées est la condamnation aux astreintes mais elle peut être précédée  d’un avertissement et d’une injonction adressée aux établissements assujettis.

Le fonctionnement du RNSM est donc assez simplifié d’autant plus que la procédure est  entièrement informatisée. Pourtant, tel qu’il est organisé, ce fonctionnement suscite des interrogations.

  1. Quelques interrogations sur le fonctionnement du RNSM

Elles sont relatives aux notions d’établissements assujettis et de sûreté mobilière, aux modalités de déclaration et aux sanctions ainsi qu’à la coexistence du RNSM et du RCCM.

  • Relativement à la notion d’établissements assujettis

Les établissements assujettis à la déclaration sont les établissements de crédit ( banques et établissements financiers) et les établissements de microfinance selon la définition qui est donnée par la législation bancaire mais aussi selon l’article 1 tout organisme dûment habilité. Cette dernière expression est assez large et partant peu précise. S’agit-il des organismes habilités à octroyer du crédit ? Si oui lesquels ? On pense ici par exemple aux personnes morales qui accomplissent des opérations de banque mais sont soit partiellement soumises à la législation bancaire telles que les services financiers de la poste ou n’y sont pas soumises telles que le trésor public ou la BEAC. Par contre, devraient être exclus, les organismes qui ne font pas de l’octroi du crédit leur activité habituelle.  

  • Relativement à la notion de sûreté mobilière

La sûreté mobilière s’oppose à la sûreté immobilière qui en droit OHADA renvoie uniquement à l’hypothèque. Elle est définie à l’article 1 de l’Arrêté comme une «  garantie légale, conventionnelle ou judiciaire octroyée à un établissement de crédit pour le recouvrement du crédit accordé à un emprunteur et portant sur un bien meuble ou un ensemble de biens meubles corporels ou incorporels ». Cette définition semble assimiler la sûreté et la garantie. Or, on sait que si toute sûreté est une garantie, toute garantie n’est pas une sûreté. Si l’on prend le terme sûreté dans son sens strict, les sûretés mobilières renverront à celles limitativement énumérée par l’AUS à savoir: le droit de rétention, la propriété retenue ou cédée à titre de garantie, le gage de meubles corporels, le nantissement de meubles incorporels et les privilèges. Par contre, s’il faut considérer la définition extensive que suggère l’arrêté, il faudra y étendre les mécanismes qui assurent la protection du créancier sans que cela soit leur but exclusif. Exemple : les garanties portant sur contrats d’assurance, les délégations de loyers et autres garanties imaginées par la pratique.  

  • Relativement  à la déclaration 

$ Le contenu de la déclaration  

Les informations qui doivent être déclarées ne portent pas uniquement sur les sûretés. L’article 10 énumère, parmi celles-ci, le « montant du crédit objet de la sûreté mobilière ».  Toutefois, il est expressément prévu que cette information n’est pas accessible au public.

$ Les conditions de la déclaration

Le texte prévoit une déclaration dans les 48h de l’obtention, de la constitution,  de la modification ou de la radiation de la sûreté. Ce délai paraît relativement bref  surtout pour ce qui de l’obtention ou de la constitution mais il participe d’une recherche d’efficacité.  Mais que faut-il entendre par obtention? Qu’arriverait-il si la sûreté obtenue n’est pas inscrite par la suite?  Elle sera certainement radiée sauf que entretemps celui qui aura pris des informations sur le constituant aura tenu compte de l’affectation du bien en garantie ce qui n’est pas le cas.  

Lorsqu’il s’agit des sûretés judiciaires, à quel moment faut-il procéder à la déclaration ? Autrement dit, à partir de quand court le délai de 48h ? En effet la décision judiciaire a pour seul but d’autoriser le créancier à prendre une inscription provisoire qui peut ensuite devenir définitive sous certaines conditions.

Pour ce qui des sûretés légales telles que les hypothèques légales et les privilèges, elles sont accordées au créancier en considération de la nature de la créance ou de la qualité du créancier. Doit-on les déclarer puisqu’elles ne sont pas à proprement parler obtenues ou constituées par le débiteur? Nous pensons que non .

  • Relativement à la sanction

L’arrêté prévoit la sanction de l’astreinte prononcée par le CNC à partir du huitième suivant le délai légal de déclaration qui est de 48h. Cette sanction n’est pas, selon nous, exclusive d’une action en responsabilité civile de droit commun que pourrait engager le débiteur ou le constituant d’une sûreté, par exemple, dans l’hypothèse de non radiation d’une déclaration alors que la sûreté a déjà été radiée au RCCM. Cette non radiation peut causer un préjudice si un établissement de crédit obtient des informations entre la date de la radiation au RCCM et celle de la radiation effective au RNSM et se fonde sur ces informations pour refuser un crédit au demandeur.

  • De la coexistence  du RNSM et du RCCM

La principale question est celle de savoir si le RNSM est complémentaire ou concurrent du RCCM.  

Il y a quelques différences entre les deux registres. Le RNSM a vocation à être entièrement dématérialisé ce qui est  source de célérité dans l’accès à l’information mais aussi de gain en termes de coût. Par contre, seules les sûretés consenties par les établissements assujettis à l’exclusion de toutes les autres sont soumises à déclaration au RNSM.

Mais, ces différences sont moindres. Le RNSM et le RCCM joueraient presque le même rôle et le second serait d’ailleurs plus complet que le premier puisque le requérant peut obtenir des informations non seulement sur les sûretés mais aussi sur le montant du crédit garanti  et ce, quelle que soit la qualité du prêteur. Le RCCM souffre davantage de son informatisation qui tarde à être véritablement effective. Quoiqu’il en soit, la déclaration n’affecte en rien l’inscription au RCCM lorsque celle-ci est prévue comme condition d’opposabilité ou de validité de la sûreté.