Non application de l’exception de jeu à l’action en recouvrement d’une créance née de jeu de hasard organisé par une société d’Etat spécialisée dans l’organisation des paris (Cour de cassation du Burkina Faso, Chambre Civile, Arrêt n°141/2021 du 04 novembre 2021, AFFAIRE LONAB SA C/ B.J.)

« La loi n’accorde aucune action pour une dette de jeu ou pour le paiement d’un pari ».  C’est ce que prévoit l’article 1965 C. Civ.  Applicable au Burkina Faso. La question s’est posée dans l’affaire ici commentée de savoir si cette disposition était applicable lorsque le jeu est organisé par une société d’Etat par ailleurs spécialisée dans l’organisation des paris

La Chambre Civile de la Cour de cassation a répondu par la négative en rejetant le pourvoi formé contre l’arrêt confirmatif de la Cour d’appel qui avait accueilli l’action d’un parieur et condamné la société de pari à payer au parieur la créance représentant les gains de deux jeux de pari.

En effet, le défendeur au pourvoi avait obtenu des gains à deux jeux organisés par le débiteur, une société d’Etat spécialisée dans l’organisation des jeux et paris. Pour des raisons non précisées il n’avait pas été payé instantanément comme cela est souvent le cas et a dû engager une action contre ladite société. Le juge d’appel confirmant la décision des premiers juges a fait droit à sa demande. La société débitrice s’est alors pourvue en cassation en soutenant notamment que la créance dont le recouvrement était poursuivi résultait   d’une dette de jeu et que sur le fondent de l’article 1965 CCiv., l’action du débiteur parieur ne pouvait être accueillie.

Le pourvoi sera rejeté au motif que l’article1965 Cciv.  n’était pas applicable en l’espèce puisqu’ il s’agissait de jeux règlementés et reconnus par l’Etat et donc licites.

Un vieil arrêt de la Chambre Civile de la Cour de cassation française (Chambre Civile, 4 mai 1976, JCP 1977, II, 18540 note de Lestang) s’était prononcé dans le même sens en admettant la demande de partage de gain formulée par une parieur qui avait contribué à l’achat commun d’un ticket de PMU en France qui s’était avéré gagnant.

Si l’on ne peut pas encourager les parieurs et autres adeptes de jeux de hasard de plus en plus nombreux, on peut néanmoins rassurés ces derniers qu’en cas de jeu ou de pari gagnant, la loi sera de leur côté pour recouvrer leur dû lorsqu’il s’agit de jeux licites encadrés par la loi.

Cour de cassation, Chambre Civile, Arrêt n°141/2021 du 04 novembre 2021, AFFAIRE LONAB SA C/ B.J.Y


LA COUR

statuant sur le pourvoi en cassation formé le 2 juillet 2013 par Maître A. Abdoul OUEDRAOGO, Avocat agissant pour le compte de la LONAB SA laquelle a fait élection de domicile en l’étude du conseil susnommé, contre l’arrêt n°41 rendu le 20 juin 2013 par la Chambre civile de la Cour d’appel de Aa dans l’instance opposant la requérante à B.J.Y ayant pour conseil Maître NION Adrien, Avocat à la Cour.
Vu la loi organique N°013-2000/AN du 13 mai 2000 portant organisation, attributions, fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle ; Vu la loi organique N°018-2016/AN du 26 mai 2016 portant composition, organisation, attributions, fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle ;


Vu la loi 22/99/AN du 18 mai 1999 portant Code de procédure civile ; Vu le rapport du Conseiller ; Vu les conclusions du Ministère public ; Ouï le Conseiller en son rapport ; Ouï les parties en leurs observations ;

Ouï l’Avocat général en ses conclusions et observations ;


Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 SUR LA RECEVABILITE


Attendu que le pourvoi a satisfait aux exigences de forme et de délai prescrites par la loi ; qu’il est recevable.

AU FOND


Faits et procédure


Attendu qu’il ressort des énonciations de l’arrêt confirmatif attaqué que la Cour d’appel a condamné la LONAB SA à payer à B.J.Y la somme de dix-huit millions deux cent sept mille cent (18 207 100) francs CFA outre les intérêts de droit à compter du jour de l’assignation en règlement de créance de jeu de hasard (PMUB) et trois cent soixante-quinze mille (375 000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens de l’instance de première instance et quatre cent mille (400 000) francs CFA du même chef pour l’instance d’appel et aux dépens ; qu’au soutien de son recours, la LONAB SA invoque les moyens ci-après : Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 1965 du Code civil Attendu que la LONAB reproche à l’arrêt attaqué la violation de l’article 1965 du C. CIV. en ce que les juges du fond ont accueilli l’action en paiement de Monsieur A défendeur au pourvoi, alors que selon le texte susvisé « la loi n’accorde aucune action pour une dette de jeu ou pour le paiement d’une dette de jeu » et qu’il ressort effectivement des faits que monsieur B.J.Y. n’a aucune action sur la base des jeux de pari sur tickets à faire valoir en justice ; Mais attendu que pour déclarer l’action de B.J. Y recevable, l’arrêt relève qu’« en l’espèce, il n’est pas contesté que B.J.Y poursuit le paiement des gains de deux jeux à savoir le « trio gagnant » et le « cyclisme » ; que les deux jeux ont été tous organisés par la LONAB, société d’Etat spécialisée dans le jeu de hasard ; Que s’agissant donc de jeux règlementés et reconnus par l’Etat, il ne peut être opposé à l’intimé l’exception de jeu prévue à l’article 1965 susvisé » ; qu’en s’étant déterminés ainsi, s’agissant du paiement des gains des jeux « trio gagnant » et « cyclisme » organisés par la LONAB et auxquels aucun caractère illicite ne se rattache, les juges du fond n’ont fait qu’une juste application du texte susvisé ; Sur le second moyen pris de la violation des articles 1804 du Code civil et 145, 146 et 147 du Code de procédure civile ; Attendu que ce moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir accueilli l’action de B.J.Y et examiné favorablement sa demande en paiement alors que l’exception de jeu donnait lieu à une fin de non-recevoir faisant obstacle à l’examen de la demande au fond et mettait fin au litige et d’avoir violé les textes susvisés ; Mais attendu que l’exception de jeu prévue à l’article 1965 du Code civil n’étant pas applicable en l’espèce, c’est à bon droit que les juges du fond ont accueilli et fait droit à l’action de B. J. Y ; d’où il suit que le moyen tout comme l’entier pourvoi doit être rejeté ;

PAR CES MOTIFS,


En la forme, Déclare le pourvoi recevable


Au fond


Le rejette


Met les dépens à la charge de la LONAB


Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre civile de la Cour de cassation du C B, les jour, mois et an que dessus ; Et ont signé le Président et le Greffier.