Lutte contre le blanchiment des capitaux dans la CEMAC : révision du Règlement du 11 avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux, du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale.
Pr KALIEU ELONGO Yvette Rachel
Université de Dschang
Par le Règlement n°02/24/CEMAC/UMAC/CM du 20 décembre 2024, le Règlement du 21 avril 2016 portant sur le même objet a fait d’une importante révision. Cette révision intervient alors que d’autres textes ont été récemment adoptés ou modifiés en vue de renforcer la lutte en matière de blanchiment des capitaux en Afrique Centrale. On peut citer notamment : le Règlement COBAC R 2023-01 du 23 décembre 2023 relatif aux diligences des établissements assujettis en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération et la Directive n°1/2023/ CEMAC/UMAC/ CM du 26 mai 2024 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération par le biais des organismes à but non lucratif ( OBNL) dans les Etats du GABAC.
Ce nouveau Règlement vient renforcer la lutte contre le blanchiment des capitaux en permettant d’arrimer le dispositif communautaire aux textes et standards internationaux tout en prenant en compte les nouveaux enjeux et surtout l’évolution technologique.
Riche de 186 articles alors que le précédent n’en comportait que 166, le nouveau Règlement comporte de nombreuses innovations.
On peut d’abord citer, au rang des nouvelles définitions introduites dans le texte, celle des actifs virtuels, des constructions juridiques, des organismes de placement collectif, ou encore des prestataires des services des actifs virtuels.
Ensuite, le nouveau Règlement étend expressément son champ d’application aux prestataires de services d’actifs virtuels ou numériques, aux intermédiaires en opérations de banque désormais réglementés en droit CEMAC, aux concessionnaires automobiles et vendeurs de véhicules d’occasion, aux hôtels et établissements assimilés, etc.
Il rappelle par ailleurs l’interdiction de paiements en espèces au ‘delà de 5000 000 F et l’obligation pour les assujettis de déclarer les transactions au-delà de 5 000 000 F CFA ainsi que toute transaction quelle que soit le montant que leur paraît suspecte. En cas de non déclaration ou de déclaration incomplète, l’autorité compétente saisit l’ensemble des sommes non déclarées.
S’agissant de l’obligation de vigilance qui pèse sur les assujettis, le Règlement du 20 décembre 2024 comporte désormais des dispositions relatives aux opérations à distance et institue une obligation de conservation des documents pour les opérations passées avec les EFND qui doivent par ailleurs prendre désormais des dispositions spécifiques pour la gestion des risques liés aux nouvelles technologies.
Des dispositions spécifiques à l’identification des contractions juridiques et des bénéficiaires effectifs et aux prestataires de services sur actifs virtuels sont prévues.
Lorsque les organismes à but non lucratif présentent des risques élevés, ils doivent faire l’objet de mesures particulières. Il en est de même pour des obligations particulièrement comme des opérations immobilières.
Suivant les cas, les obligations de vigilance peuvent être allégées ou renforcées.
Les institutions financières qui font parties d’un groupe sont désormais tenus de mettre en place des politiques et mesures en vue de la protection des données à caractère personnel et du partage d’information au sein de leurs groupes ainsi que des systèmes d’information en matière de gestion des risques et d’appliquer des mesures de vigilance au moins équivalentes à celles prévues dans le Règlement dans leurs succursales et filiales à l’étranger.
Toujours dans le but de renforcer la lutte contre le blanchiment des capitaux et particulièrement en matière de transparence, des dispositions sont instituées en ce qui concerne les bénéficiaires effectifs : obligation pour les Etats de créer des registres de bénéficiaires effectifs, obligation pour certaines entités de déclaration des bénéficiaires effectifs, règlementation de l’accès aux informations sur les bénéficiaires effectifs, etc.
Le Règlement reprend par ailleurs les dispositions relatives à la déclaration des soupçons contenues dans le précédent Règlement.
Relativement aux sanctions applicables en cas de blanchiment des capitaux, financement du terrorisme et de la prolifération, le nouveau Règlement prévoit en plus des sanctions administratives, disciplinaires et pénales, les sanctions financières ciblées qui doivent faire l’objet d’un Règlement spécifique[1].
Pour faciliter l’application du Règlement, il est prévu que des lignes directrices ou des notes interprétatrices pourront être adoptées par le GABAC.
Les Etats membres de la CEMAC disposent donc désormais d’un dispositif de lutte antiblanchiment adapté à la mesure des enjeux. Sa mise en œuvre effective devrait contribuer à éradiquer ou tout au moins réduire considérablement ce phénomène de plus en plus grandissant.
[1] Il s’agit du Règlement n° 04/24/CEMAC/UMAC/ CM du 20 décembre 2024 portant régime de mise en œuvre des sanctions financières ciblées liées au financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale.
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