Adoption du nouveau Règlement portant organisation et fonctionnement du marché financier de la CEMAC

Pr Yvette Rachel KALIEU ELONGO
Université de Dschang

Depuis l’unification du marché financier de la CEMAC entamée avec l’Acte additionnel du 19 février 2018 signé par les chefs d’Etats de la CEMAC, beaucoup de chemin a été parcouru. On a ainsi assisté à la fusion des bourses du Cameroun et de l’Afrique Centrale et à celle des autorités de tutelle avec la disparition de la CMF au profit de la COSUMAF. Il manquait pourtant un élément à ce dispositif. Il s’agissait de l’adoption d’un nouveau Règlement devant régir le nouveau marché financier. C’est désormais chose faite depuis l’adoption il y a quelques semaines du Règlement n°01/22/CEMAC/UMAC/COSUMAF du 21 juillet 2022.

Ce nouveau Règlement modifie assez profondément le texte antérieur qu’il abroge d’ailleurs de manière expresse dans toutes ses dispositions en son article 292. Sur la forme, un texte assez volumineux puisqu’il comporte pas moins de 293 articles alors le texte antérieur n’en comportait que 74. Dans le fond, le texte comporte de nombreuses innovations et est marqué par le souci de s’adapter à l’évolution financière ainsi qu’aux exigences du numérique.
Ainsi, au rang des réformes importantes que comporte le Règlement de juillet 2022, on peut citer :

  • L’élargissement de son champ d’application : La nouvelle réglementation ne s’applique pas uniquement aux autorités de régulation et de contrôle et aux acteurs essentiels tels que l’entreprise de marché ou la banque de règlement. Elle régit aussi les investisseurs et les émetteurs ainsi que de nouveaux acteurs tels que les agences de notation et les analystes financiers entre autres.
  • La réorganisation de la COSUMAF :  l’organe de contrôle, de régulation et de tutelle du marché financier qu’est la COSUMAF est revu avec la création en son sein de deux organes distincts. Il s’agit d’une part du collège de la COSUMAF qui exerce le pouvoir administratif en ce qu’il a le pouvoir d’injonction, d’habilitation, d’agrément entre autres et d’autre part de la commission des sanctions qui est chargée comme son nom l’indique de prononcer les sanctions mais qui exerce aussi le pouvoir d’enquête.  Par ailleurs, les missions de la Commission sont expressément étendues à la lutte contre le blanchiment des capitaux et à l’information des investisseurs et elle dispose désormais du pouvoir d’injonction et de médiation.
  • L’élargissement de la catégorie des intermédiaires financiers : Avec le nouveau Règlement, on note la disparition des agents de change et des représentants agréés des sociétés de bourse prévus par le Règlement de 2003 mais surtout l’apparition de nouvelles catégories qui s’ajoutent aux sociétés de gestion et aux sociétés de bourse. Il s’agit des établissements de crédit, des conseillers en investissements financiers, des conseillers en financement participatif et des prestataires de services sur actifs numériques. Les conditions d’agrément des intermédiaires sont précisées avec les incompatibilités et les interdictions. Les règles applicables à ces professionnels intègrent désormais de manière explicite la protection de la clientèle.
  • La réorganisation des organes du marché financier :  la Caisse régionale de dépôt des valeurs mobilières disparait et une chambre de compensation qui est désormais distincte du dépositaire central est créée. Le texte précise expressément que la banque de règlement est la BEAC.  Le fonds de compensation disparait au profit du fonds de garantie.
  • L’extension de la catégorie des instruments financiers : Le nouveau Règlement introduit de nouvelles catégories d’instruments en particulier les instruments financiers islamiques à savoir le Sukuk et les instruments financiers numériques, les cryptoactifs, dont le régime reste cependant à préciser.
  • Le renforcement des dispositions sur les opérations relatives au marché financier : Les jetons numériques font leur apparition dans le cadre de la réglementation de l’appel public à l’épargne. Le texte réglemente aussi les offres publiques, les placements privés et institue la notion d’investisseurs qualifiés au rang desquels on compte les établissements de crédit, les sociétés d’assurance et de caution mutuelle. Les différents services financiers qui peuvent être offerts sont précisés avec notamment les prestations de services sur actifs numériques.
  • L’institution des sanctions pécuniaires : Le texte distingue clairement entre les sanctions disciplinaires et les sanctions pécuniaires qui peuvent être prononcées en cas d’infraction avec la possibilité de cumul. Ces sanctions s’ajoutent elles-mêmes aux sanctions pénales. La procédure devant aboutir à ces sanctions et les voies de recours devant la Cour de Justice de la CEMAC sont prévues.
  • La réglementation des organismes de placement collectif : Le régime applicable aux organismes de placement collectif à savoir les OPCVM et les fonds d’investissements alternatifs est précisé. Il est en de même des règles concernant leurs sociétés de gestion et dépositaires.

En attendant l’adoption du nouveau Règlement général de la COSUMAF auquel le texte renvoie sur plusieurs points pour le compléter, on peut dire que l’essentiel en termesd’encadrement normatif du nouveau marché financier de l’Afrique Centrale est fait. Le défi reste celui de son attractivité pour les émetteurs et les investisseurs.